Trajets domicile-travail : quelles sont les options de mobilité dans les territoires périurbains et peu denses ?
Comment gérer les trajets domicile-travail quand les entreprises sont implantées en territoires périurbains peu denses et qu’il est compliqué, voire impossible, pour les collaborateurs et les futurs collaborateurs de s’y rendre ? Interview de David Di Nardo, directeur du développement chez Klaxit, application de covoiturage domicile travail.
Quelles problématiques rencontre-t-on dans les territoires périurbains et peu denses en termes de trajets domicile-travail et de mobilité ?
David Di Nardo : Nous avons aujourd’hui, dans les territoires périurbains, des zones d’emploi avec des milliers de personnes qui doivent s’y rendre chaque jour. Une bonne partie de ces personnes ne viennent pas du centre-ville. Elles sont réparties en étoile autour de ces zones d’activité, parfois dans des zones peu denses. Le souci, c’est que le transport en commun, lui, est retranscrit dans une volonté d’apporter une solution pour rejoindre le centre-ville, ou pour permettre des déplacements à l’intérieur des centres-villes. Les trajets domicile-travail dans ces territoires périurbains deviennent compliqués.
Nous avons donc une majorité des personnes qui ne peuvent pas profiter de ce transport en commun pour se rendre au travail, et qui se rabattent, pour 70 % d’entre elles, sur l’autosolisme, autrement dit la voiture individuelle. Pour diverses raisons et pendant des années, cela n’a pas été questionné. Désormais, on a plutôt tendance à mettre en place des politiques qui visent à ce que la voiture soit beaucoup moins attractive. Le consommateur, lui, n’a plus non plus la même volonté d’avoir un véhicule individuel.
Quelles sont les conséquences sur l’emploi ?
D.DN : La première conséquence, c’est qu’une partie des personnes sont prêtes à renoncer à un travail si elles doivent s’acheter un véhicule. Il y a aussi le cas où on a une voiture, mais où l’on renonce à l’emploi car les frais vont être trop importants par rapport au salaire. C’est le cas quand on est sur des trajets qui dépassent les 30 km par trajet.
Il faut savoir que faire 100 km par jour, cela entraîne une dépense de 10 euros rien que pour le carburant. Avec un salaire qui sera équivalent à un peu plus que le SMIC, eh bien on n’y va pas, parce que la charge devient trop importante par rapport au salaire. Et même lorsque l’offre de transports en commun existe, des personnes renoncent à une offre d’emploi en raison de la difficulté du trajet domicile travail.
En Île-de-France par exemple, quand on est en 1re ou 2e couronne, les temps en transports en commun se rallongent car le RER impose de passer par Paris intra-muros. Même si l’on prend le RER, il n’est pas rare que l’entreprise se situe à 3 km de la gare RER. Dans ce cas il faut un bus avec les bons horaires. Toutes ces difficultés font que des entreprises ont aujourd’hui du mal à recruter ou à fidéliser. Les trajets domicile-travail peuvent donc devenir un vrai frein au recrutement dans les territoires périurbains.
Dans quelle mesure le déploiement d’une solution de covoiturage pour assurer les trajets domicile-travail dans ces territoires périurbains?
D.DN : Il est possible de mettre en place une solution de covoiturage, avec Klaxit en tout cas, dès lors qu’il y a une zone d’activité périurbaine où les gens viennent en majorité en voiture. Dans ce cas, plus de huit conducteurs sur dix qui cherchent des trajets trouveront des trajets sans détour.
Nous répondons à des personnes qui habitent dans des zones rurales, à condition que le point d’arrivée soit une zone d’activité assez dense, donc a minima avec quelques centaines de personnes. En revanche, nous ne pouvons pas implanter notre solution pour une entreprise en centre-ville avec 10 % de conducteurs. Nous ne pourrions dans ce cas pas satisfaire un grand nombre de collaborateurs et nous n’avons pas vocation à ramener la voiture dans les centres-villes.
Quels avantages côté conducteur et côté passager ?
D.DN : Le conducteur va gagner, par passager transporté, un minimum de deux euros pour un trajet de 2 à 20 kms, puis 10 centimes par kilomètre. Il y a donc un avantage financier pour lui. Dans l’application on essaye également de mettre en place des partenariats pour lui offrir des lavages ou des réductions chez des garagistes. Le conducteur a enfin, et c’est très important pour nous et pour nos usagers, la possibilité de faire un geste pour la planète en partageant son véhicule.
Pour le passager, il y a trois avantages. D’abord, il trouve avec le covoiturage une solution de mobilité là où il n’en avait parfois pas du tout. Il n’a donc pas besoin d’acheter une voiture. Dans le cas où, pour se rendre au travail, la voiture est tout simplement plus rapide que les transports en commun qui existent, il économise du temps. Il économise également de l’argent au quotidien car les dix centimes du kilomètre ne représentent qu’un cinquième du coût réel d’une voiture.
Avec les subventions des collectivités et des entreprises, via le forfait mobilité durable, son trajet pour se rendre au travail peut même être quasiment gratuit. C’est aussi une réponse pour les gens qui n’aiment pas conduire, pour qui c’est du stress. Notre but est de réenchanter les trajets quotidiens en apportant de la convivialité.
Concrètement, comme procède Klaxit dans ces territoires ?
D.DN : Il y a deux situations. Soit nous sommes en contact avec des entreprises qui ont besoin de créer rapidement un réseau de covoiturage pour leurs collaborateurs. Soit ce sont des collectivités, proactives sur le sujet, avec qui nous discutons. Notre méthodologie vise à mettre en place notre application sur les territoires ou pour les salariés des entreprises en question. Dans la mesure où l’argument technologique ne fait pas tout, on travaille surtout sur les changements de comportements qui perdurent parfois depuis des décennies. Nous allons sur le terrain physiquement pour démontrer que le covoiturage, tout le monde peut en faire.
Quels sont les bénéfices concrets pour les entreprises et les collectivités locales ?
D.DN : Avec les entreprises, nous avons évoqué les bénéfices pour leurs collaborateurs. Nous leur démontrons aussi qu’avec 10 ou 20 % des salariés qui utilisent notre application, nous devenons une solution ROIste pour elles.
Les nouvelles zones d’activité ne peuvent pas construire le même nombre de places de parking qu’avant. En cas de déménagement, cela signifie qu’il faut offrir des alternatives, des solutions, parfois louer des places de parking supplémentaires, avec le coût que cela entraîne. Pallier, avec le covoiturage, un manque de solutions de mobilité, évite aussi des démissions avec, là encore, le coût induit. Les trajets domicile-travail dans les territoire périurbains peu denses ne doivent pas devenir un facteur de turn over.
Enfin, il est possible de valoriser l’impact de la mise en place du covoiturage dans le bilan RSE, en mesurant la baisse de l’impact carbone ou en valorisant les plans de mobilité employeurs. S’agissant des collectivités locales, le but pour elles est d’implanter un nouveau mode de transport qui est le covoiturage, et d’apporter ainsi un service supplémentaire aux habitants.
Avec la loi d’orientation sur les mobilités, les autorités organisatrices de transports deviennent autorités organisatrices de mobilité. Ça change tout car on s’intéresse aussi à la trottinette, au vélo, au covoiturage, à l’autopartage. On parle de plus en plus de « mobility as a service », ce service qui permet d’utiliser tout type de transport (du bus au train au vélo) avec un seul abonnement, une seule appli. Mulhouse et Saint-Étienne sont en avance, mais toutes les métropoles souhaitent développer cela.