Titres-restaurant et collaborateurs en télétravail : que dit la loi ?
Le titre-restaurant est un moyen de paiement nominatif octroyé à un salarié, lorsque celui-ci ne peut pas prendre son repas dans les locaux de l’entreprise. De par nature, les entreprises qui le proposent doivent l’attribuer à l’ensemble de leurs collaborateurs. Et ce, quelle que soit la nature du contrat de travail : temps plein/partiel, CDD/CDI, stagiaires, intérimaires, salariés en télétravail, etc. Cependant, depuis le début de la crise sanitaire, certains salariés en télétravail ont vu leurs titres-restaurants disparaître. Cette pratique est-elle légale ? Un employeur peut-il supprimer les titres-restaurant de ses salariés en télétravail ? Les décisions récentes, rendues par les juges de Nanterre et de Paris, divergent quelque peu de la position historique du Ministère du Travail et de l’URSSAF. Mieux le mag, fait le point.
Les positions historiques du Ministère du Travail, de l’URSSAF et de la CNTR
Le Ministère du Travail indique clairement l’existence d’un principe d’égalité de traitement entre salariés en situation comparable. Selon l’article L.1222-9 III du code du travail, le télétravailleur bénéficie des « mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ».
L’URSSAF, quant à elle, précise que les salariés en entreprise et en télétravail (à domicile, nomades ou en bureau satellite) sont éligibles aux titres-restaurants si l’employeur y consent.
De son côté, la Commission Nationale des Titres Restaurant estime, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, qu’un télétravailleur peut bénéficier de titres-restaurant, dès lors que sa journée de travail est organisée en deux vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise d’un repas (art R 3262-7 du code du travail).
La position du Tribunal Judiciaire de Nanterre
Le 10 mars 2021, le Tribunal Judiciaire de Nanterre vient pourtant contredire la position du Ministère du Travail et de l’URSSAF, dans l’affaire Malakoff Médéric & Humanis.
Pour rappel, en raison de la crise sanitaire, l’organisme de prévoyance a placé, le 17 mars 2020, la majorité de ses salariés en télétravail. Dès lors, le groupe a décidé de ne plus attribuer de titres-restaurant aux salariés de l’entreprise placés en télétravail. L’UNSA (Union Nationale des Syndicats Autonomes) a contesté cette décision en justice au nom du principe de l’égalité de traitement entre salariés.
Le 10 mars 2021, le tribunal de Nanterre a estimé la situation non comparable. En effet, les télétravailleurs à domicile « n’ont pas à supporter le surcoût lié à la prise d’un repas en dehors du domicile ». De ce fait, les salariés en télétravail n’ont pas à recevoir de titres-restaurant.
Toutefois, la réglementation des titres-restaurant prévoit que ceux-ci servent à « acquitter le prix d’un repas » et ne lie pas l’attribution de titres au paiement d’un « surcoût ». Un télétravailleur à domicile peut donc tout à fait se faire livrer ou chercher un repas chez un restaurateur. Le cas échéant, il devra alors supporter le même « surcoût ».
La décision du Tribunal Judiciaire de Paris
Le 30 mars 2021, dans l’affaire Schlumberger, le Tribunal Judiciaire de Paris vient, quant à lui, contredire le Tribunal de Nanterre, se conformant ainsi à la position historique du Ministère du Travail et de l’URSSAF.
Voici les trois points sur lesquels le tribunal s’appuie :
- La définition du télétravail ne fait pas mention du domicile du salarié, ni d’un espace personnel pour préparer son repas.
- Le ticket-restaurant a pour objet de permettre au salarié de se restaurer pendant son horaire de travail journalier.
- Les dispositions relatives aux titres-restaurant, n’autorisent pas l’employeur à déterminer qui peut ou non en bénéficier, une fois sa décision validée d’en distribuer à ses salariés.
Ainsi, le Tribunal Judiciaire de Paris a déclaré que les télétravailleurs doivent continuer à bénéficier de titres-restaurant, au même titre que les salariés travaillant sur site.