Dans ce nouvel épisode du Grand Invité, notre série de conversations avec des experts et expertes de domaine en prise directe avec les enjeux actuels du monde du travail, nous recevons Laure Wagner. Cofondatrice et CEO d’1 km à pied, elle aide au quotidien les une entreprise multi-sites à optimiser les trajets domicile-travail de leurs collaborateurs. Avec elle, nous allons explorer les pistes pour réduire l’empreinte carbone de ces trajets.

L’état des lieux des trajets domicile travail

Laure Wagner nous indique qu’aujourd’hui, quasiment 75% des actifs font leur trajet domicile-travail en voiture. Mais pour comprendre pourquoi on est aussi accro à la voiture, il faut comprendre l’évolution des distances. En effet, en 60 ans, le trajet domicile-travail des Français est passé de 3 km à 13,3 km aller. C’est pour cette raison, tout simplement parce que ça n’est pas faisable à pied et pas forcément facilement à vélo, que les gens sont incités à prendre la voiture pour se rendre au travail.

Un Kilomètre à pied est né de ce constat, et propose un logiciel qui mesure d’abord les distances des trajets des collaborateurs pour mettre ce chiffre entre les mains des équipes RH et montrer comment on peut la réduire au quotidien.

Les urgences à travailler sur les trajets domicile travail

Laure Wagner nous rappelle plusieurs urgences pour lesquelles les équipes ressources humaines doivent s’attaquer urgemment à ce sujet-là :

• Urgence climatique, puisque la voiture particulière pèse pour 15% des émissions de la France . Le GIEC appelle à réduire massivement les émissions. Pour les transports, ça nécessite une diminution de 76% avant 2030. Plus qu’une réduction, c’est une révolution.
• Urgence sociale aussi ; l’inflation réduit le budget, le pouvoir d’achat des ménages et les transports pèsent lourd dans les dépenses des ménages. Donc les équipes RH peuvent agir pour augmenter le pouvoir d’achat.
• Urgence économique : les performances des entreprises souffrent de l’absentéisme et du turnover. En réduisant la pénibilité et les distances des trajets domiciles-travail, on va réduire des deux effets et améliorer la performance opérationnelle. Quand les trajets domiciles-travail sont trop longs, ils deviennent de la pénibilité du travail.

Quelques chiffres sur les trajets domicile-travail

La distance moyenne parcourue, nous rappelle Laure Wagner, est de 13,3 km aller, tous modes confondus.

Pour la voiture uniquement, soit 75% des Français, c’est 15 km aller. Avec des variantes en fonction de l’endroit où on habite, le même kilométrage peut être plus ou moins long en fonction des routes, des embouteillages, etc.

En moyenne, le temps de trajet domicile travail en voiture est de 25 minutes. Mais en Ile-de-France, il est plutôt de 42 minutes.

Plusieurs études montrent la corrélation entre la durée de ce trajet domicile-travail et la fatigue, l’absentéisme, le turnover. Donc oui, s’attaquer à la pénibilité des trajets, c’est une évidence aujourd’hui.

Des collaborateurs prêts à changer d’emploi pour un travail plus proche de chez eux

Laure Wagner nous indique que si 69 % des Français sont prêts à quitter leur job pour en trouver un plus près de chez eux. 52 % sont même prêts à baisser leur salaire pour avoir la chance de travailler à moins de 20 minutes de chez eux.

Pour ce qui est des candidats, ce qu’ils regardent en premier lieu, c’est la durée de trajet avant même le salaire et l’intérêt du poste.

Trois quarts des actifs français sont des employés de terrain. La moitié des actifs français sont en horaires décalés, travaillent en 3-8, 2-8 le soir, le week-end. La proximité est effectivement cruciale pour eux.

Que peut-on envisager pour diminuer la durée des trajets domicile-travail des collaborateurs et des collaboratrices et leur empreinte carbone ?

Laure Wagner évoque pour nous  trois solutions :

• Changer de mode de transport en  aidant les salariés à se mettre au vélo, aux transports en commun, au covoiturage.
• Télétravailler, mais c’est un levier qui ne concerne qu’un quart des actifs français.
• Réduire la distance, surtout chez les employeurs multi-sites, où la majorité des employés de terrain vont pouvoir faire exactement le même travail, mais sur un site plus près de chez eux. Concrètement, ça commence par une phase de diagnostic mobilité où il est nécessaire de calculer les trajets actuels des salariés, voilà, récolter de la data, chiffrer ceux qui pourraient changer de mode de transport, et puis surtout, cartographier pour se rendre compte que la majorité des employés de terrain ont effectivement un site plus près de chez eux.

Pour rapprocher un employé de terrain sur un site à proximité, on peut provoque un échange de postes, ou encore attendre qu’un poste se libère et au lieu de recruter en externe

Quand on considère le fait qu’il y a trois quarts d’employés de terrain en France qui travaillent beaucoup pour des employeurs multi-sites, et quand on fait le calcul chez ces employeurs, ce sont 65 % de leurs salariés en moyenne qui pourraient bénéficier d’une mobilité interne géographique plus proche.

Des impacts bénéfiques pour les collaborateurs et collaboratrices et leurs entreprises

L’aspect climatique est évident pour éviter d’utiliser beaucoup de CO2.

En plus, il y a trois effets positifs pour les collaborateurs et les entreprises. Tout d’abord le gain de temps et donc de qualité de vie avec un meilleur équilibre de vie. Une économie de coût, ensuite, sur le budget carburant et donc une augmentation du pouvoir d’achat, ce qui est une priorité des employeurs, libérer du pouvoir d’achat.

Comme les employé(e)s se sent mieux et ont moins de stress financier, plus de temps, ils dorment mieux, éprouvent moins de stress, ce qui se répercute sur le  bien-être au travail et donc, moins d’absentéisme, moins de turnover.

Quelles réactions des RH et des dirigeants ?

Laure Wagner nous explique leur première réaction est la surprise car 1 km à pied est la première structure à défricher vraiment le sujet, à mesurer et dé montrer que 65% de leurs employés de terrain ont effectivement un site plus proche de chez eux.

Ensuite, ils cherchent à comprendre pourquoi les employés de terrain n’ont pas osé demander. En effet, les collaborateurs ne sont pas moteurs de leur mobilité interne géographique. C’est la raison d’être de cet outil RH pour être proactifs à chaque fois qu’un poste se libère afin de le proposer à un salarié qui habite à côté pour lui faire gagner 20, 30, 40 minutes de trajet. Ca fonctionne en créant de nouveaux process. Par exemple en cas de démission, ne pas tout de suite penser recrutement mais d’abord mobilité interne.