Ergonomie des conditions de travail, le b.a.-ba de la QVT !
Séverine Varas est ergonome pour l’Agemetra, service de santé au travail interentreprises de la Métropole lyonnaise. Elle intervient à la demande du médecin du travail de l’Agemetra qui peut être sollicité par l’employeur, des instances représentatives, etc. Sa mission : adapter les conditions de travail de l’entreprise aux capacités physiologiques et psychologiques de ses salariés. Pour Mieux le Mag, Séverine Varas fait le point sur les différentes façons d’aborder l’ergonomie au travail, tout en soulignant l’importance de l’implication du collectif et du sens donné aux solutions proposées.
Comment un problème de santé lié aux conditions de travail est-il identifié ?
Tout passe par le médecin du travail ou l’infirmière. Ils doivent être à l’écoute des symptômes (mal au dos, etc.) mais aussi prendre le temps de questionner les salariés sur leurs conditions de travail. Prenons l’exemple de la restauration collective. Un salarié en bonne santé va dire au médecin du travail que le frigo de la cuisine est en panne, alors ses collègues et lui en utilisent un autre. Ok, pas de problème a priori. Sauf que le frigo de dépannage se trouve dans une autre pièce à laquelle on accède via des escaliers et un long couloir… Le salarié s’est adapté, sans se rendre compte que cela pouvait avoir des incidences sur sa santé à plus ou moins long terme (risque de chute, fatigue, etc.). Dans ce cas, changer le frigo défectueux est un acte de prévention. C’est grâce à ce recoupement d’informations, que le médecin du travail peut ensuite alerter le chef d’entreprise sur les risques encourus, et, selon les cas, faire la demande d’une étude ergonomique des conditions de travail.
Comment se déroule votre intervention ?
La première démarche de l’ergonome est d’instaurer un dialogue social autour de la demande avec la direction, les instances type CHSCT*, les représentants syndicaux… afin de bien identifier les enjeux. Puis il analyse l’activité en allant voir comment travaillent les salariés et comprendre l’organisation du travail. Il propose également la création de groupes de travail avec les salariés pour les impliquer dans le processus de réflexion ; en leur permettant d’être force de propositions. Une démarche participative essentielle, car ce sont eux qui connaissent ce que l’on appelle le travail réel, par opposition au travail prescrit (ex. : la fiche de poste). En effet, sans les conditions réelles de travail, les salariés développent des stratégies qu’ils sont seuls à connaître.
Une fois toutes les propositions et remarques recueillies auprès des salariés, l’ergonome propose un compromis satisfaisant pour les salariés et validé par les décideurs. Les salariés, surtout dans une TPE ou une PME, sont très conscients de ces contraintes financières. Ils ne demandent pas la lune !
Et dans une démarche individuelle ?
Là, le problème est déjà présent et relève de la santé du salarié. Mais s’il travaille avec d’autres personnes, il est essentiel d’impliquer le collectif dans la démarche. Car si une solution est mise en place, sans que le collectif ait été pris en compte, ce ne sera pas pérenne. Il faut expliquer le changement, dire s’il sera provisoire ou non, etc.
Quels sont les freins à la mise en place d’une telle démarche dans l’entreprise ?
La priorité du dirigeant est la survie de son entreprise. Il attache donc d’abord de l’importance aux aspects financiers. Plus la structure est petite, plus les salariés ont conscience de cet enjeu, qui les concerne en tout premier lieu. Les deux freins principaux seront donc le temps à accorder et le budget à débloquer.
Quand il s’agit de dépenser de l’argent au profit d’un seul salarié, le chef d’entreprise va craindre l’effet boule de neige : les autres salariés vont-ils demander les mêmes aménagements ? Dans ce cas, il est indispensable d’expliquer aux collègues la démarche d’aménagement sous l’angle de la santé.
Quand le sujet relève de la prévention, un autre frein s’ajoute, d’ordre psychologique : la crainte du chef d’entreprise de voir l’organisation du travail remise en question. Mais il ne faut pas oublier que le premier objectif de l’ergonome est d’améliorer les conditions de travail pour que l’entreprise soit plus performante.
Un dernier frein est celui du salarié lui-même qui refuse de parler de ses problèmes de santé liés à ses conditions de travail, de peur de perdre son emploi ou d’être mis au placard. On touche là à l’écoute et à la confiance qui doivent régner entre l’employeur, les instances représentatives, les salariés et le médecin du travail pour ne pas arriver à de telles extrémités.
Quelle est la clé pour réussir une approche ergonomique des conditions de travail ?
Les solutions identifiées doivent avoir du sens pour les salariés. Sinon, elles risquent de ne pas être suivies. Mais le pire, serait de ne pas aller au bout de la démarche. Parfois, des entreprises font juste semblant d’agir en commandant une étude de poste, avec consultation des salariés, mais sans avoir l’intention de mettre en œuvre les préconisations. C’est redoutable pour l’ambiance dans l’entreprise. Dans la plupart des cas, ce n’est pas volontaire, mais le résultat délétère est le même.
C’est pourquoi avant de demander une étude de poste, il est essentiel pour la direction d’avoir un objectif clairement identifié et de dégager les moyens financiers nécessaires pour y parvenir. Afin d’être sûr de mener la démarche à son terme.
Plus d'infos sur : www.agemetra.org
(*) CHSCT : Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail