Ce qu’il faut attendre des prochaines Négociations Annuelles Obligatoires
Rendez-vous incontournable dans le calendrier des entreprises, les Négociations Annuelles Obligatoires sont l’occasion d’aborder, à l’aune du contexte actuel et de deux années de crise sanitaire, les sujets clés des rémunérations, de l’égalité hommes-femmes, du télétravail, entre autres. Kristell Lucas, consultante diagnostics économiques et sociaux dans le cabinet Syndex, nous éclaire sur les tendances des NAO cette année.
Comment s’annoncent les Négociations Annuelles Obligatoires cette année ?
Elles s’annoncent un peu tendues, forcément marquées par la crise liée à la Covid-19. La reprise de l’inflation entraîne des problématiques de pouvoir d’achat pour beaucoup de citoyens, donc pour beaucoup de collaborateurs.
C’est un enjeu qui sera légitimement abordé pendant ces négociations, sur lequel il y a un contexte (vrai en partie) de souci de visibilité économique pour les entreprises, donc de réticence budgétaire, alors que les salariés demandent une reconnaissance des efforts passés et du travail accompli.
En 2020 et 2021, beaucoup d’efforts ont été consentis par les salariés, au travers de l’activité partielle, voire de l’activité partielle de longue durée. L’activité partielle, financée entièrement par l’État durant la première période de crise sanitaire, a eu un impact à la fin du mois pour les salariés. Pas sûr alors que les premières annonces répondent au besoin de reconnaissance salariale des collaborateurs.
Quels vont être les enjeux des négociations ?
On observe sur le terrain, depuis plusieurs années, que les politiques de rémunération sont de plus en plus individualisées, voire excluantes. On peut en effet individualiser des rémunérations mais en donner une partie à tout le monde. On peut aussi faire de la sélectivité, donc définir qui bénéficiera d’une augmentation de sa rémunération et qui n’en bénéficiera pas. On voit aussi de la variabilité dans les politiques de rémunération.
Il y a petit à petit un abandon des augmentations générales classiques avec le risque de la perte du sens dans le collectif (qui participe pourtant la création de la richesse).
Le but des organisations syndicales doit être, entre autres, de trouver à l’intérieur de ce cadre des moyens de rééquilibrer les choses. Dans certaines entreprises, on voit l’application de mesures talons. Dans d’autres, les positions sont beaucoup plus fermées et il faut trouver d’autres moyens de restaurer du collectif. Tout dépend du contexte de l’entreprise, de sa culture, de ses moyens financiers…
Un des leviers possibles pour les négociations annuelles obligatoires, c’est une stratégie en partie fiscale des entreprises, qui consiste à se positionner sur toutes les formes de primes qui ne donnent pas lieu à des cotisations sociales. Ça leur coûte moins cher pour un même montant dans la poche des salariés.
Le télétravail est-il à aborder ?
Il doit être abordé dans le sens où, quand il n’est pas généralisé, il augmente la productivité. Il est donc légitime de se poser la question de ce que l’entreprise va faire de ces gains. L’entreprise va-t-elle en redistribuer une partie ? Le télétravail permet aussi à certaines entreprises de faire des économies liées à l’immobilier (avec le flex office). Peut-on répartir ces économies ?
Ces sujets sont à intégrer dans les négociations salariales. En revanche, Il ne faut pas se tromper de sujet. Je dirais que tout ce qui concerne les dispositions indemnitaires, liées au télétravail, n’a pas forcément sa place dans ces négociations.
Lorsqu’on se réunit pour les NAO, il faut se concentrer sur ce qu’on veut faire reconnaître au travers de la valeur du travail réalisé, des efforts collectifs et se demander à qui et comment on veut le reconnaître. Le télétravail est un sujet en tant que tel.
La négociation sur l’indemnité (pour compenser un surcoût lié au télétravail pris en charge par le salarié) ne doit pas être mélangée avec la négociation salariale. Les conséquences à instruire autour des changements d’organisation, des risques liés au télétravail non plus… Il faut traiter cela à part.
Dans les négociations annuelles obligatoires, il est souvent question de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes…
L’égalité salariale entre les hommes et les femmes est un passage quasiment obligatoire dans les NAO. La question est de savoir si le fait de l’évoquer en réunion suffit à « cocher la case » ou si l’on met en place de véritables mesures pour améliorer cette question d’égalité professionnelle.
Parfois, les entreprises utilisent la mise en place de budgets correctifs. Attention, ces mesures correctives sont nécessaires mais pas suffisantes car elles ne règleront pas la question des écarts sur du long terme. Pour aller plus loin, il faut identifier les causes des inégalités et travailler dessus.