Le colloque télétravail et égalité professionnelle : entre retour d’expérience et bonnes pratiques pour demain
À l’invitation de dix réseaux mixité d’entreprises, une rencontre inter-réseaux télétravail et égalité professionnelle a été organisée il y a quelques semaines. Son but ? Questionner les enjeux d’égalité et d’inclusion autour du télétravail. Pour l’occasion, dix invités sont venus débattre. Parmi eux, Catherine Schilansky, DRH d’HPE, Jean-Baptiste Obéniche, Responsable du pôle Diversité, Inclusion et Performance au Travail chez EDF, Laurent Allemand, Directeur général des activités conciergerie en France chez Sodexo, Anne-Sophie Nomblot, Présidente de SNCF au Féminin, et Muriel Pénicaud pour introduire les tables rondes.
En se massifiant, le télétravail s’est “dégenré”
Si l’ancienne ministre du travail a rappelé, dans cette introduction, que le télétravail, jusqu’ici marginal, a été d’abord et historiquement associé aux femmes, et qu’il a souvent été pénalisant pour elles car “perçu comme une convenance personnelle et pas comme une preuve d’engagement dans la société”, elle a ensuite expliqué que l’on avait aujourd’hui changé d’échelle et, ce faisant, que le télétravail s’est aujourd’hui « dégenré ». Pour elle, la crise a visiblement fait bouger les lignes : “Cette expérimentation grandeur réelle, quasiment imposée par les évènements et par la crise, a créé aussi du positif à condition qu’on l’accompagne et à condition aussi qu’on continue à se battre pour l’égalité professionnelle hommes femmes, pour l’égalité des carrières, pour le partage des tâches domestiques. Ce sont toutes les conditions qui font que le télétravail est une expérience réussie”. Lors du premier confinement, l’école à la maison a en effet été davantage portée par les femmes. Les tâches domestiques supplémentaires pendant cette période, sauf exception, ne se sont pas rééquilibrées entre les hommes et les femmes.
Optimiser l’expérience de télétravail en faveur de l’égalité professionnelle
Invités à s’exprimer sur la question de la conciliation des temps de vie en tant qu’éventuel frein, encore aujourd’hui, à la carrière des femmes, les participants ont avancé l’idée qu’il est important d’avoir des fondamentaux pour une concentration optimale en télétravail (organisation exemplaire de chacun, soutien de la structure, outils adéquats, organisation de l’équipe…) mais aussi d’avoir l’esprit libre sur la question des enfants, des courses, des tâches domestiques. Il a ensuite été rappelé qu’il ne fallait pas retomber dans le piège du temps partiel qui, au moment de sa création, devait permettre aux femmes de concilier la charge du domicile et l’entrée sur le marché du travail. Le télétravail doit au contraire être une disposition d’organisation du travail, que l’on doit discuter de façon collégiale, et dont la mise en œuvre doit intégrer l’idée du volontariat. Il doit être envisagé comme un outil de QVT au service de la performance des équipes et de l’entreprise permettant de gagner du temps, du pouvoir d’achat, de la concentration et une bonne organisation du travail individuel.
Le confinement, révélateur des inégalités hommes femmes
Le confinement, et le télétravail subi qui l’a accompagné, a fait que certains hommes, qui n’expérimentaient pas jusqu’alors le télétravail, ont pu constater un certain nombre de bénéfices pour eux : temps de transport annulé, davantage de liens avec leur famille, davantage de possibilités de faire autre chose… Les lignes ont-elles bougé pour autant dans les foyers sur la question des tâches domestiques et parentales ? Les invités ont semblé opter pour un “non”, rappelant que sur ce point, l’évolution année après année est très lente. La crise a néanmoins permis de mettre le sujet en lumière, et cela a questionné l’employeur. Sans s’immiscer dans les foyers, ce dernier a dû reconnaître les difficultés de certaines personnes. Il a dû aborder les questions d’équilibre vie pro, vie perso, et les inégalités liées à la situation de crise. Il doit aujourd’hui, lorsqu’il parle de télétravail, tenir un discours le plus inclusif possible. Les biais et les stéréotypes de genre étant une réalité.
Quelles perspectives pour l’égalité professionnelle demain ?
Le confinement toujours, a fait qu’il y a, aujourd’hui, une libération de la parole sur le quotidien des collaborateurs. Les enfants qui se sont invités dans les visioconférences notamment, ont permis cela. Ces questions sont arrivées jusqu’à l’employeur et sont l’occasion pour lui de se positionner et de s’engager – chez HPE, un congé parental de six mois est proposé aux hommes et aux femmes. Ensuite, il en va de la responsabilité de tous d’engager des changements profonds. Cela passe par l’éducation des enfants, le congé paternité… Cela passe aussi par le fait de permettre aux uns et aux autres de sortir des rôles prédéfinis. Avoir des hommes qui quittent leur travail à 17 heures pour aller chercher les enfants peut faire avancer les choses. Faire évoluer la culture managériale peut permettre de décorréler la question du leadership des stéréotypes masculins. Enfin, un besoin d’incarnation et de modèles a été évoqué.
Les chiffres de l’égalité professionnelle appliqués au télétravail depuis 10 ans – En 2010, parmi les 9 % de salariés télétravailleurs en France, 93 % étaient des femmes – En 2015, parmi les 14 % de salariés télétravailleurs en France, 72 % étaient des femmes – En 2019, parmi les 29 % de télétravailleurs en France, 47 % étaient des femmes |