CSE : Préserver l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle quand le télétravail s’installe
Alors qu’une deuxième période de confinement démarre, une partie des salariés vont continuer, ou reprendre, la pratique du télétravail. Si l’expérience est là, que les crèches, écoles, collèges et lycées devraient rester ouverts cette fois, ce mode de travail doit néanmoins être organisé et encadré. Patrick Gobert, président du Club des CSE Citoyens, le Toit Citoyen, nous explique comment les CSE œuvrent pour garantir de bonnes conditions de travail et veillent à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle des salariés en télétravail. Interview.
Pendant le premier confinement on a vu le rôle majeur des CSE dans l’information et le suivi des collaborateurs, mais aussi comme garant de la QVT et de l’équilibre vie professionnelle vie privée à l’heure du télétravail. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Patrick Gobert – Après avoir géré l’urgence, les CSE se mettent autour de la table pour favoriser les échanges et arriver aux meilleures conditions de télétravail possibles pour les salariés. On attend aussi les résultats d’une négociation entre le MEDEF et les partenaires sociaux sur ce sujet.
Concrètement, ce qu’on observe, ce sont des situations très différentes en fonction des entreprises et de la qualité de leur dialogue social, entre les grandes villes et les territoires… Certaines entreprises co-construisent avec leurs élus de très bons accords, avec des indemnités ou des compensations financières, quand d’autres prévoient des visites au domicile des salariés pour vérifier que les conditions sont réunies pour travailler chez eux.
Dans cette situation exceptionnelle que nous vivons, où le télétravail s’est développé dans l’urgence, chacun s’est aperçu qu’il y avait aussi des contraintes liées au télétravail et des problèmes d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. La QVT chez soi, c’est important.
Avec la disparition des CHSCT, les représentants du personnel n’ont plus beaucoup de leviers sur la santé au travail. C’est peut-être l’occasion de regagner ce bastion.
Justement, comment le CSE peut aider sur le plan de la QVT et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ?
P.G – Le CSE doit avoir une politique générale en termes de négociations avec le patron et il doit faire du sur-mesure pour les salariés. Tout cela dans le but d’aboutir à des accords intéressants qui permettront aux salariés de se sentir considérés, reconnus.
C’est au CSE de négocier des conditions de télétravail correctes. Cela passe par le matériel bien sûr : un fauteuil ergonomique, un écran suffisamment grand et à hauteur des yeux… Cela inclut aussi la possibilité d’être au calme pour travailler et d’avoir une bonne connexion Internet, pour une bonne qualité audio et vidéo lors des visioconférences notamment.
Si cela n’est pas possible, on peut imaginer des solutions comme le financement d’un abonnement dans un espace de coworking près du domicile, à condition qu’il y ait peu de monde le temps de la pandémie, et hors période de confinement bien sûr. Enfin, la QVT en télétravail, c’est aussi le sujet des femmes dans l’entreprise, qui ont connu un télétravail dégradé pendant le premier confinement, plus que les hommes – les études ont montré qu’elles avaient consacré davantage de temps que les hommes à s’occuper des enfants, qu’elles avaient moins souvent accès à une pièce isolée et dédiée au travail…
C’est enfin le sujet du “flicage“, souvent par un middle management qui, ayant peur de perdre du pouvoir, appelle régulièrement ses troupes pour savoir où ils en sont, s’ils ont bouclé tel ou tel dossier. Cela peut avoir des effets terribles sur le plan de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Le CSE doit être à l’écoute des individus sur ces sujets et proposer des solutions, individualisées et au coup par coup.
Quels sont ses moyens de suivi et d’alerte ?
P.G – Il est important que les élus surveillent le baromètre de l’entreprise, échangent avec le DRH, qu’ils soient en connexion avec les managers aussi. Ces derniers sont en contact avec les équipes. Ils sont à même d’analyser les points faibles dans la circulation des informations ou dans la réalisation du travail.
Évidemment, tout cela est facilité, je le répète, lorsqu’il y a un bon dialogue social. S’agissant des alertes, ce sont les mêmes que d’habitude, mais elles doivent être plus régulières. Il faut faire plus attention à l’autre, prévenir vite, anticiper. Il a aussi une opportunité avec le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). LE CSE est autour de la table pour rédiger ce document. Il peut s’approprier le fait de réfléchir avec le patron ou avec le DRH sur la manière d’y intégrer la pandémie.
Il peut et doit évoquer alors ce que le télétravail est susceptible de provoquer en matière de risques psychosociaux (du fait du manque d’interactions avec les collègues, d’un sentiment de solitude global ou de situations familiales compliquées, entre autres) et de risques tout court, comme des accidents de travail par exemple (une chute dans l’escalier qui mène au bureau, un appareil défectueux qui met le feu). On évalue, on classe. On propose des actions.
Quels échanges le CSE doit-il avoir avec les collaborateurs ?
P.G – Les échanges, plus digitalisés qu’avant, doivent se porter sur les besoins de chacun. Via le réseau et les bonnes relations entre élus et salariés, le CSE doit être en mesure de savoir qui est en difficulté aujourd’hui et qui pourrait l’être demain – cela sur des problématiques d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle mais pas seulement.
Il doit prendre contact avec ces personnes sans tarder, leur demander comment se passe le télétravail pour elles, ce qu’elles ressentent au quotidien, de quoi elles ont besoin. Après avoir aidé ces personnes, il peut analyser tout cela, en faire une synthèse et faire de la prévention en rappelant à l’ensemble des salariés qu’il est là pour eux, qu’il ne faut pas hésiter à le contacter, si possible avant même d’être en difficulté.
La solidarité est au cœur de la mission du CSE. Il ne l’a jamais oublié mais aujourd’hui on a tous compris que la vie est fragile et il est temps de remettre à plat les politiques sociales. Le CSE doit réfléchir à des plans d’actions sociales avec une réflexion sur la solidarité, l’aide, le soutien scolaire, le soutien à la culture…
Quels échanges le CSE doit-il avoir avec la hiérarchie et le management sur le télétravail?
P.G – Je pense que cette crise est une occasion de grandir ensemble. Le manager est entre le patron et les salariés. Lui aussi fait du télétravail. Il a besoin des salariés et les salariés ont besoin de lui. On a tous besoin de se serrer les coudes.
Les entreprises qui auront créé pendant cette crise de la COVID-19 des lieux d’échange, des outils d’interactions, de communication, de transmission avec la volonté d’aider et d’améliorer la QVT auront gagné : le jour où la pandémie aura disparu elles iront plus vite car elles auront pris de nouveaux réflexes.
À ce moment-là, nous verrons un certain nombre d’entreprises opter pour un modèle hybride (quelques jours de télétravail et quelques jours au bureau), pensé en concertation avec le CSE. J’espère que d’autres, qui seraient tentées de généraliser le télétravail au-delà de la pandémie pour des raisons économiques prendront en compte les salariés qui ont envie et besoin d’aller au bureau. À l’inverse, j’espère que ceux qui voudraient retrouver tout le monde au bureau n’oublieront pas que le télétravail, pratiqué dans de bonnes conditions, contribue pour une partie des collaborateurs à un bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.