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Harcèlement moral en entreprise : comment le prévenir, comment le détecter et comment réagir ?

Harcèlement moral en entreprise : comment le prévenir, comment le détecter et comment réagir ?

Quels sont les contours du harcèlement moral au travail ? Quand, comment réagir, et comment le prévenir ? Marie Pezé, docteur en psychologie, psychanalyste, ancien expert judiciaire, et coordinatrice du réseau souffrance et travail nous apporte son éclairage.

Qu’est-ce qui a conduit à la présence de harcèlement moral en entreprise ?

Historiquement, je dirais qu’il y a un tournant qui s’est opéré dans les années quatre-vingt-dix. On a vu apparaître à ce moment-là de nouvelles techniques de management, la mise en place d’objectifs toujours plus difficiles à atteindre, une charge de travail grandissante, des procédures très précises à suivre, etc. Le manager, censé être un soutien pour les équipes, est devenu un manager d’objectifs à atteindre. L’entretien individuel a poussé à évaluer le collaborateur plutôt que le collectif. Et puis on a assisté à l’éloignement des services supports, à l’informatisation qui a permis de tenir des délais raccourcis, aux reportings permanents… Le résultat de tout cela, c’est la genèse de la solitude au travail, la disparition des collectifs, terreau du harcèlement.

On constate parfois un flou dans les esprits en ce qui concerne le harcèlement moral. Dans les faits, comment se matérialise-t-il ?

D’abord, le harcèlement moral n’est pas forcément descendant. Il peut concerner un cadre, harcelé par une personne de son équipe. Il peut être transversal, lorsqu’une équipe entière désigne un bouc émissaire et s’acharne sur lui. Il peut aussi être managérial, lorsque c’est le style de management qui constitue le harcèlement.

Concrètement, il se matérialise de bien des manières. Ça peut être l’assistante à qui l’on ne parle plus, et qui trouve à longueur de journée des post-it sur son bureau. Ça peut être la mise en place de pratiques d’isolement (comme changer les horaires de déjeuner d’une personne pour éviter qu’elle ne déjeune avec ses collègues), ne pas inviter quelqu’un à une réunion et le blâmer de ne pas  être venu, couper la parole sans cesse en réunion…

J’invite chacun à consulter la liste des techniques de management pathogènes qui est très précise et permet d’évaluer sa propre situation. Par ailleurs, il faut se souvenir que le harcèlement moral n’a pas à être intentionnel ni à entraîner obligatoirement la dégradation de la santé du salarié. Il suffit de placer un collaborateur dans une situation dont on sait pertinemment qu’elle va lui porter atteinte pour qu’on le reconnaisse. 

Que dit la loi en matière de harcèlement

Elle dit : “Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.” En d’autres termes, pour qu’il y ait harcèlement, il faut des agissements répétés (dans les jurisprudences, deux agissements espacés de trois ans suffisent), une dégradation des conditions de travail, et une atteinte aux droits ou à la santé de la personne victime des agissements (réalisée ou susceptible de l’être).

Si ces trois conditions sont réunies, il y a harcèlement. Les salariés pensent souvent qu’il faut des preuves. Le tribunal demande des éléments de faits laissant supposer le harcèlement moral. C’est à l’employeur de démontrer que ça n’en est pas. Et la présence avérée d’un syndrome de stress post-traumatique (des ruminations diurnes et nocturnes, des reviviscences des scènes de maltraitance, des cauchemars sur le travail, des troubles de concentration, de logique…) constitue une preuve clinique dans certains cas. Les personnes concernées pensent aussi qu’elles ne gagneront pas, or, en grandes masses, il y a 80 % de condamnations. La Cour de cassation sort plus de 1 000 arrêts par an sur le harcèlement moral.

Comment réagir lorsqu’on est victime ?

Si on commence à ne pas être bien quand on va au travail, qu’on a la peur au ventre, la gorge serrée, qu’on trouve que l’ambiance est maltraitante, alors il faut commencer par tenir un journal très précis, avec des horaires, des faits. Ensuite, il faut aller voir la médecine du travail (qui pourra effectuer une visite de poste ou orienter la personne vers une de nos consultations). Et puis il faut télécharger la liste des techniques de management pathogènes sur le site souffrance et travail, et cocher ce qui nous correspond.

On peut aussi faire le test de propagation du burn out pour voir dans quel état on se trouve. Ensuite, il faut consulter des spécialistes : médecin généraliste, psychiatre, avocat… Ils constitueront notre commando intérieur, celui qui permettra de ne plus être seul dans cette histoire, notamment s’il faut retourner au travail. Il existe des consultations spécialisées, avec des psychologues qui ont de vraies connaissances juridiques, qui ne feront pas l’erreur de psychologiser d’entrée de jeu la situation, de tout mélanger.

Enfin, il faut matérialiser le contenu de la loi, l’atteinte à la santé. Cela veut dire qu’il faut un arrêt maladie, un suivi médical, un traitement médicamenteux, des entretiens avec la médecine du travail, le temps nécessaire pour décanter la situation et décider ou pas de la sortie du contrat de travail avec un juriste. 

Et si le harcèlement ne nous concerne pas nous, mais un ou une collègue ?

Si c’est la voisine ou le voisin qui subit cela, alors il ne faut surtout pas rester sans rien faire. Le harcèlement est une pathologie de la solitude. Même dans un climat de peur, on peut aller voir la personne et lui dire qu’on n’est pas d’accord avec ce qui se passe, que c’est compliqué pour nous de prendre la parole mais qu’on encourage vivement cette personne à aller voir la médecine du travail à la demande (pour préserver la confidentialité de la démarche).

L’article L4122-1 rappelle qu’“il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.”

Comment prévenir les cas de harcèlement en entreprise ?

Outre la figuration des risques psychosociaux et du harcèlement moral dans le document unique d’évaluation des risques (DUER), il faut par ailleurs et absolument former les managers, informer les salariés sur ce qu’est le harcèlement moral, informer les managers sur les techniques de management pathogènes…

Et puis, si un cas est supposé, alors il faut réaliser une enquête interne paritaire, conduite par la direction et par les partenaires sociaux, durant laquelle on interroge tout le monde, durant laquelle on analyse les situations avant de trancher. Et bien sûr, il faut mettre le harcelé potentiel à l’abri, parce qu’il a peur de retourner sur son lieu de travail et parce que ça lui permettra de se reconstruire le temps nécessaire.

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