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Pourquoi la parentalité doit être au cœur des sujets d’égalité professionnelle femmes-hommes

Pourquoi la parentalité doit être au cœur des sujets d’égalité professionnelle femmes-hommes

Largement évoquées au moment du premier confinement, puis à l’annonce de l’allongement du congé paternité, les questions de parentalité sont plus que jamais sur le devant de la scène aujourd’hui. Dans les entreprises (et dans les médias aussi), le débat est lancé avec, en toile de fond, l’idée de faire évoluer des visions et des modes de fonctionnement qui ne vont peut-être pas toujours dans le sens de l’égalité professionnelle. Béatrice Kammerer, journaliste – conférencière – autrice, spécialiste des questions d’éducation et de parentalité, nous explique où en est l’égalité professionnelle femmes-hommes et la parentalité au sein des entreprises.

Pourquoi les questions de parentalité sont-elles incontournables lorsque qu’on parle d’égalité professionnelle ?

Béatrice Kammerer : Il y a plein de raisons ! Tout d’abord, le fait de pouvoir investir pleinement sa parentalité – c’est-à-dire construire un lien de qualité avec son enfant –  est une aspiration contemporaine très forte, consécutive du fait que la parentalité est aujourd’hui un choix. Pour les hommes comme pour les femmes, disposer de temps de qualité avec ses enfants fait donc partie intégrante de leur épanouissement et de leur qualité de vie. Il s’agit de trouver la meilleure manière de concilier cette aspiration avec les impératifs et les ambitions professionnelles.

Parallèlement, la société d’aujourd’hui aspire à une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, tant dans les tâches parentales qu’au sein des environnements professionnels. Or, si au cours de la deuxième partie du 20e siècle, les femmes ont progressivement pris leur place dans le monde du salariat (67,9 % d’entre elles travaillent, contre 75,6 % des hommes, Source : INSEE 2018), force est de constater que les hommes n’ont pas investi de la même manière la sphère familiale (les femmes continuent de s’acquitter de 71 % des tâches ménagères et de 65 % des tâches parentales, Source : INSEE 2015). Cela, alors même que notre société contemporaine promeut le modèle de la coparentalité, c’est-à-dire une participation égale des deux parents autour de l’enfant. 

La persistance de ces inégalités renforce l’urgence de prendre à bras le corps les enjeux de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, afin que la maternité ne soit plus un frein à l’activité professionnelle des femmes, et que les hommes qui travaillent puissent prendre pleinement leur part du projet parental qui est le leur. 

Aujourd’hui, quelle est la place des questions de parentalité dans l’entreprise et particulièrement l’égalité professionnelle ?

Béatrice Kammerer : C’est très difficile de répondre à cette question de manière globale : nous sommes face à une énorme diversité d’entreprises qui n’ont pas toutes les mêmes contraintes, la même attention aux aspirations de leurs salariés, ni le même rapport à la parentalité. 

Par exemple, la place accordée aux questions de parentalité peut varier selon qu’on est face à une entreprise qui salarie une majorité de femmes, ou qui appartient à un secteur traditionnellement considéré comme féminin, qui ont parfois été mieux sensibilisées. Mais il n’y a pas de règle générale, chaque entreprise avance à son rythme. Certaines sont très engagées : signature de chartes, suivi des carrières des femmes (et donc des mères), proposition d’aménagement des congés de parentalité. Là où d’autres sont beaucoup moins volontaristes, voire ne considèrent ces initiatives que comme un coût supplémentaire pour l’entreprise.

Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, la décision de faire un enfant n’a absolument pas les mêmes répercussions pour les deux conjoints sur leur carrière professionnelle. Le coût financier et temporel de l’arrivée d’un enfant est essentiellement supporté par les femmes : outre la fatigue et les contraintes d’une grossesse, une naissance génère en moyenne une perte de revenu substantielle pour les femmes (évaluée de 5 à 40 % selon le niveau de qualification (Source : Insee 2019), tandis que les carrières des pères ne sont pas impactées. Cette baisse de revenu est notamment due aux difficultés de conciliation vie familiale-vie professionnelle qui conduisent beaucoup de femmes à réduire, voire arrêter leur activité professionnelle. A fortiori si elles ont plusieurs enfants. 

Ainsi, la maternité reste encore un double stigmate dans le monde professionnel : non seulement, elle entrave matériellement les carrières des mères, mais fait également planer sur toutes les femmes – même celles qui ne sont pas mères – un soupçon d’indisponibilité, de manque de flexibilité et d’engagement dans leur travail. Ces points ont d’ailleurs été démontrés par les économistes, comme Hélène Périvier

Qu’est-ce qui pourrait, concrètement, faire bouger les lignes ?

Béatrice Kammerer : L’une des pistes d’amélioration à l’échelle sociale serait d’accroître drastiquement les congés des pères, au-delà du modeste allongement qui a été récemment décidé. Dans d’autres pays européens comme le Portugal, les pères sont invités à prendre deux congés paternité. Un premier, au moment de la naissance de l’enfant ; il s’agit d’un moment particulier où il se tisse un lien fort, émotionnel et sensoriel, entre l’enfant et le papa. Le second intervient un peu plus tard, à un moment où la mère a déjà repris son activité professionnelle ; le père s’occupe alors seul de son enfant.

C’est hyper intéressant ! D’une part, cela permet de construire des compétences parentales chez les pères – qui se révèlent tout aussi capables que les mères ! – d’autre part, de rétablir l’équilibre sur ce plan de la pénalisation professionnelle que représente la parentalité par rapport à la carrière. Par ailleurs, cela donne un appui au retour à l’emploi des mères. En effet, c’est plus rassurant et sécurisant de pouvoir confier son enfant à son autre parent. Mais cela reste une évolution sociale globale que les entreprises peuvent difficilement impulser à leur niveau. 

Quel chemin reste-t-il à parcourir selon vous ?

Béatrice Kammerer : Il y a beaucoup de choses à pointer ; mon rôle n’est pas de faire des prescriptions. En outre, beaucoup de catégories d’acteurs différents sont impliqués : les parents, les salariés, les entreprises, les politiques publiques. Ce que je peux dire, c’est qu’il est capital de mettre au premier plan ces questions de parentalité en entreprise à tous les niveaux. 

L’un des gros chantiers de travail est de combattre les stéréotypes de genre, ainsi que l’a montré la psychologue Sylviane Giampino qui a analysé à quel point la paternité pouvait être paradoxale. En effet, une majorité d’hommes disent aujourd’hui vouloir être auprès de leurs enfants, vouloir passer plus de temps avec eux, prendre du plaisir à être auprès de leurs enfants, à se voir « paterner ». Mais lorsqu’il s’agit de choisir entre leur travail et leurs enfants, les hommes choisissent presque systématiquement leur travail, comme si la mission parentale restait toujours secondaire. Inversement, les stéréotypes de genre ont tendance à pousser les femmes vers la parentalité, en stigmatisant celles qui ne souhaitent pas avoir d’enfants ou renforçant la culpabilité de mères qui travaillent. 

Il faudrait arriver à un stade où les hommes assument pleinement d’être tout autant « parent » que les femmes et, puissent envisager librement de pouvoir mettre leur travail en pause, à certains moments de leur vie, pour élever leurs enfants et prendre en charge leurs soins quotidiens, sans ressentir que ce désir est illégitime ou honteux. 

Il s’agit aussi de déculpabiliser les mères qui travaillent et de déconstruire les stéréotypes dont elles sont victimes, qui leur laissent penser, à tort, que si elles ressentent l’envie de reprendre leur activité professionnelle très rapidement après leur accouchement, ou si elles ne s’épanouissent pas en congé maternité, c’est qu’elles ne sont pas de suffisamment bonnes mères.

Cette lutte contre les stéréotypes est un travail de fond qui devrait être notamment mené au travers de discussions et concertations au sein des entreprises. Car les salariés restent les mieux placés pour évaluer ce qui facilite ou entrave leur parentalité en entreprise. 

Un dernier point, très important, est de ne pas oublier les problématiques spécifiques de la conciliation vie familiale et vie professionnelle dans les emplois peu qualifiés. Aujourd’hui, la question de l’égalité père-mère au travail – qui n’est pas juste une question d’égalité homme-femme – n’est souvent visible sur la scène publique et médiatique qu’au travers des problématiques propres aux catégories supérieures (cadres RH), telles que l’impact sur les progressions de carrières, ou l’accession aux postes de direction. Cependant, les difficultés à être parent en entreprise sont aussi présentes dans les catégories plus populaires (horaires décalés, travail de nuit, absence de moyen de communication, …) et d’autant plus pesantes, que les individus ne disposent pas d’autant de ressources sociales pour les faire valoir.

Si nous voulons vraiment promouvoir l’égalité père-mère au travail et à la maison, il faut pouvoir appréhender ces problèmes dans leur globalité et tenir compte de la diversité des situations, des contraintes et des vécus des travailleurs et travailleuses.

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