Loi d’urgence sanitaire : comment aménager les congés payés et jours de repos de vos salariés ?
Au-delà des conséquences sanitaires, la propagation du Covid-19 engendre une incertitude économique majeure pour de nombreuses entreprises. Des mesures d’urgence ont été adoptées pour qu’elles puissent y faire face en adaptant leur activité. Suite aux ordonnances votées dans la cadre de la loi d’urgence sanitaire, Olivia Billioque, avocate spécialisée dans le droit du travail, nous explique les mesures liées aux congés payés et jours de repos. Interview.
Comment le gouvernement a-t-il réagi face à la baisse d’activité soudaine des entreprises ?
Plusieurs mesures exceptionnelles ont été prises rapidement. C’est le cas de l’article 11 de la loi d’urgence sanitaire n°2020-290, entrée en vigueur le 23 mars 2020 et complétée par l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars. Ce texte permet aux entreprises d’aménager ou d’imposer les dates de prise de congés et jours de repos de leurs salariés dans une période ne pouvant s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
Deux volets sont à distinguer : les congés payés et, d’autre part, les jours de repos en RTT, convention de forfait et compte épargne temps.
Quels sont les avantages de cette loi ?
Le recours au chômage partiel peut être évité quelques temps. L’intérêt est double : les entreprises disposent d’un délai pour mieux s’organiser, en limitant le choc brutal, et les collaborateurs conservent une plus grande partie de leur salaire dans les premiers instants, le chômage partiel étant moins rémunéré. C’est aussi une façon d’atténuer l’effet psychologique du chômage technique, lourd de sens pour certains.
Dans quelles conditions l’employeur peut décider des dates de congés payés de ses salariés ?
Les congés payés déjà posés par les collaborateurs peuvent être déplacés unilatéralement par l’employeur, dans la limite de 6 jours maximum. Depuis l’ordonnance du 25 mars, les jours déjà acquis peuvent également être imposés, en respectant les conditions fixées par accord d’entreprise ou de branche (pour les entreprises de moins de 11 salariés, un accord d’entreprise peut être conclu en recourant au « référendum d’entreprise »).
Dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire, un délai de prévenance d’un jour franc (ce qui est court) doit aussi être respecté. Notez que les congés aménagés par l’employeur peuvent être fractionnés, ce qui s’avère pratique en cas d’activité maintenue, mais à un rythme réduit.
Quelles sont les spécificités concernant le traitement des jours de repos avec la loi d’urgence sanitaire ?
Ces jours, peu importe la manière dont ils ont été acquis, sont soumis à des règles presque similaires à celles appliquées aux congés payés. Néanmoins, l’employeur peut cette fois réaménager jusqu’à 10 jours cumulés, sans accord d’entreprise ou de branche préalable. Le délai de prévenance est toujours d’un jour franc. Ces 10 jours peuvent s’ajouter aux 6 jours de congés payés.
Pour les entreprises dotées d’un comité social et économique, il est nécessaire d’informer celui-ci sans délai après la prise de décision de modifier les dates des jours de repos. Il n’est en revanche pas nécessaire d’attendre l’avis du CSE pour la mettre en application, puisque l’avis est rendu dans un délai d’un mois à compter de l’information.
Quels conseils donneriez-vous à un manager souhaitant faire valoir son droit ?
Informez par écrit vos salariés en étant rigoureux concernant les dates et en rappelant les textes appliqués. Etant donné les restrictions actuelles, mieux vaut les prévenir par email avec accusé de réception. La transparence est préférable dans ce contexte et cette mesure n’est pas une sanction.
Par ailleurs, si un salarié a déjà posé 7 jours consécutifs ou davantage, la confiance réciproque sera la meilleure manière d’obtenir son accord pour réaménager le calendrier au-delà des 6 jours qui peuvent être déplacés.