Intégrer des digital nomads dans votre organisation : pour ou contre ?
En France ou ailleurs, vous les avez forcément croisés dans un café, ces trentenaires branchés, rivés sur leur laptop, en visio avec une équipe basée à des milliers de kilomètres. Eux, ce sont les digital nomads, des aventuriers du boulot qui ont fait le pari de travailler en mode globe-trotter. Le concept séduit de plus en plus de travailleurs en quête de liberté et de flexibilité. Pourtant, derrière l’image cool et sexy, le nomadisme digital soulève des questions cruciales, y compris pour les entreprises et les RH… On vous explique tout, et on vous demande votre avis sur la question !
À l’heure où une partie des organisations réduit la part de télétravail, le phénomène du digital nomadisme ne semble, a priori, pas le bienvenu. D’un autre côté, la guerre des talents fait rage. Si l’on veut recruter les bonnes personnes, n’y a-t-il pas un avantage à aller les chercher là où elles se trouvent, même si c’est au bout du monde ? La question mérite d’être posée et si elle est plus que jamais d’actualité, elle n’est pas si nouvelle…
Origines et ascension fulgurante des digital nomads
Tout commence dans les années 2000 quand quelques pionniers de la tech, lassés de la routine du bureau, décident de s’affranchir des contraintes géographiques pour travailler depuis des lieux inspirants aux quatre coins du globe. Le concept de digital nomad est né. En 2023, ils sont 17,3 millions de digital nomads, rien qu’aux États-Unis, à avoir adopté ce style de vie selon une étude de MBO Partners. Et parmi eux, plus de 10 millions sont des salariés.
Le phénomène est en plein essor, porté majoritairement par des entreprises innovantes qui n’hésitent plus à recruter des talents aux quatre coins du monde. Mais si le nomadisme digital séduit de plus en plus d’entreprises, de collaborateurs et collaboratrices, d’indépendants, il soulève aussi des questions sur l’avenir du travail. À quoi ressemblerait un monde du travail sans bureaux, avec des équipes qui ne se croisent qu’en visioconférence ? L’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle s’en trouvera-t-il meilleur ou moins bon ? Surtout – et cela a été l’un des arguments massues de la période Covid – comment compenser une inégalité indéniable ? Car le télétravail, qu’il se pratique à quelques kilomètres de l’entreprise ou à des milliers de kilomètres, est loin d’être accessible à tout le monde.
Quoi qu’il en soit, les acteurs de l’économie collaborative ont vite saisi le potentiel de ce nouveau mode de travail et de vie. Des espaces de coworking ont vu le jour partout dans le monde. Des initiatives comme Coboat, un catamaran transformé en bureau, ou la plateforme Paatch qui propose des séjours de coliving aux travailleurs nomades se sont également développées. Et puis des plateformes comme Landing.Jobs se sont spécialisées dans le recrutement en full remote.
Une formule gagnant-gagnant pour entreprises et employés
Pour les entreprises, le digital nomadisme a des avantages. Avec lui, elles ont la possibilité d’accéder à un vivier de talents à l’échelle mondiale. Si les collaborations n’ont plus de frontières, alors elles peuvent se permettre de travailler avec un designer basé en Corée, un développeur qui vit au Mexique, où un attaché de presse en stop en Thaïlande pour les six prochains mois.
Au-delà du recrutement, travailler avec un digital nomad permet de fidéliser plus facilement les collaborateurs et des collaboratrices en leur proposant le cadre de travail qui leur convient, pour un temps donné ou pour toute la durée de la collaboration, qu’ils soient nouveaux dans l’organisation ou présents depuis plusieurs années.
Du côté des salariés, ou des indépendants, la possibilité de vivre des expériences uniques en immersion à l’étranger devient possible sans avoir à économiser sur des congés ou à prévoir une année sabbatique. On concilie vie professionnelle et envie de bouger.
Les défis posés par le nomadisme digital
Bien sûr, travailler avec des digital nomads implique d’adapter l’organisation des entreprises. Et on ne parle pas uniquement de jongler avec des fuseaux horaires : les process doivent être adaptés ainsi que les méthodes de management. Les outils de collaboration doivent être choisis avec un grand soin, et la confiance et la communication doivent être décuplées.
Des entreprises comme Zapier ou Buffer, qui travaillent entièrement à distance, à la fois avec des personnes sédentaires partout dans le monde, et avec des digital nomads, ont prouvé que c’était possible. Joel Gascoigne, CEO de Buffer a récemment expliqué dans le podcast Off Mute sa décision d’avoir construit, dès 2013, son entreprise sur le principe du full remote :
“J’avais une vingtaine d’années à l’époque et je voulais profiter au maximum de la vie. J’ai lancé Buffer depuis le Royaume-Uni, d’où je suis originaire, puis j’ai voyagé dans la Silicon Valley et en Asie, et j’ai continué à développer le produit au cours des deux premières années. C’est quelque chose que j’ai beaucoup apprécié. Et j’ai commencé à me dire : « Pourquoi devrais-je avoir cette liberté sans que l’équipe puisse en bénéficier également ? » L’autre élément important qui est entré en ligne de compte, c’est que dès le début, nous nous sommes concentrés sur la qualité du service à la clientèle. (…) Lorsque nous avons atteint une dizaine de personnes, j’ai commencé à me dire : « Je veux continuer à améliorer ce service à la clientèle. Comment pouvons-nous le faire ? Je me suis dit que nous avions déjà des clients dans le monde entier et je me suis demandé comment nous pouvions servir ces clients sans que certains d’entre eux, dans certains endroits, ne soient désavantagés en termes de qualité de l’assistance. Une fois que nous avons pris cette décision, cela a été l’un des facteurs clés, au même titre que la liberté et la flexibilité.”
Les dérives possible pour les digital nomads
Pourtant, le nomadisme n’a pas que des adeptes. Certains mettent en avant les risques psychosociaux auxquels sont confrontés les digital nomads, liés à la solitude et au stress principalement. À l’heure où les entreprises n’ont jamais été autant en alerte sur ces questions, comment faire l’impasse ? Dans un baromètre dédié au burn-out et au bore out, réalisé par Ignition Program et dont les résultats ont été communiqués en janvier, 40 % des répondants se considéraient en souffrance et/ou soumis à des niveaux de stress élevés.
Et ça n’est pas la seule crainte des dirigeants et des RH. Certains, particulièrement attachés à l’esprit d’équipe et à la culture de leur entreprise, redoutent que ceux-ci soient mis à mal. De fait, on peut se demander si l’envie de collaborer et l’attachement à l’entreprise et à ses collègues sont aussi forts lorsqu’on travaille à des centaines ou des milliers de kilomètres les uns des autres ?
L’impact environnemental des déplacements fréquents est également pointé du doigt. À l’heure où la tendance est à la réduction de notre empreinte carbone, à titre personnel comme professionnel, le digital nomad qui est amené à prendre l’avion régulièrement peut s’exposer aux questionnements de certaines entreprises, les plus engagées sur les questions de RSE en tête.
Enfin il y a les enjeux juridiques, fiscaux et de sécurité informatique avec lesquels doivent composer les entreprises lorsque les digital nomads sont salariés. Et ce ne sont pas des moindres questions !
Les clés de la réussite
Bien qu’encore minoritaire, le mouvement est en marche. Pensé de façon responsable et inclusive, il est certain que le nomadisme digital ouvre des perspectives immenses pour réinventer notre rapport au travail.
Pour que la collaboration avec les digital nomads soit fructueuse, il faut néanmoins mettre en place un certain nombre d’éléments. On l’a évoqué plus haut, les process doivent être adaptés, tout comme les méthodes de management et les outils de collaboration. La confiance et la communication sont clés.
Surtout, il doit y avoir l’appétit nécessaire pour mettre en place une telle collaboration, et l’envie doit être partagée à tous les étages de l’entreprise. Cela va en effet bousculer les habitudes, quelques idées reçues aussi, et il faut être prêt à ce que cette idée du digital nomadisme infuse petit à petit dans la culture d’entreprise.
Alors pour ou contre le nomadisme en entreprise ? Penchez-vous du côté de la diversité des talents à laquelle vous pouvez accéder en collaborant avec des digital nomads ? Souhaitez-vous être bousculés par des personnes qui vous feront repenser le rapport au travail ? Ou souhaitez-vous, avant tout, que l’esprit d’équipe et la culture de votre entreprise restent parmi les piliers principaux de votre réussite ?