Frontière vie pro / vie perso, violences familiales, que faire quand rien ne va plus dans le foyer d’un de mes collaborateurs ?
Les périodes de confinement ont mis au jour une augmentation des violences familiales, des violences qui ont pour partie concerné les mineurs. En tant qu’employeur, manager ou IRP, que faire lorsque vous vous rendez compte qu’un collaborateur ou une collaboratrice fait peut-être face à des violences dans son foyer ? Les réponses de Marie-Pierre Colombel, présidente de l’association Enfance et Partage.
Quelle évaluation faites-vous des violences familiales, plus spécifiquement ces derniers mois ?
L’état des lieux est assez préoccupant. Lors du premier confinement tout particulièrement, mais aussi pendant les deux suivants, nous avons constaté une augmentation des appels et des dossiers à traiter. Nous n’avons pas été les seuls bien sûr. Toutes les associations ont connu cette augmentation. Le 119 a été débordé. Il a sollicité l’aide d’associations commeEnfance et Partage, entre autres. Et nous avons bien sûr pris le relais sur certains appels. Il s’agissait de situations de violence dans lesquelles l’enfant était, ou non, victime. En tous cas des situations de violence dans lesquelles il était plongé. Pour vous donner une idée très nette, en avril 2020 nos chiffres ont augmenté de 100 %. Sur l’ensemble de l’année 2020, nous avons constaté une augmentation de 20 à 30 % et nous sommes à peu près sur cette augmentation pour les trois premiers mois de 2021.
Comment analysez-vous ces résultats ?
Lors du premier confinement, qui est la période durant laquelle nous avons connu la plus forte augmentation d’appels et de dossiers à traiter, les enfants n’étaient pas à l’école. Or, on sait que l’école est le premier pourvoyeur de signalements d’informations préoccupantes auprès des départements. Les couples séparés avec les droits de visite et d’hébergement ont fait face à un vrai casse-tête, et pour certains c’était l’occasion idéale pour que l’enfant n’aille pas chez l’autre parent. Il y a donc eu des conflits en lien avec cela. Et puis on a vu des parents qui ont été dépassés, débordés. Ils n’étaient pas initialement des parents maltraitants ou violents, mais ils ont dérapé du fait de cette situation exceptionnelle, d’enfermement, de télétravail avec les enfants dont il fallait s’occuper en même temps… Enfin, cette année a provoqué chez certaines personnes qui avaient été victimes de violences familiales pendant l’enfance, et je pense en particulier à l’inceste, une libération de la parole. Cette période a fait remonter des choses à la surface. Des adultes nous ont appelés qui n’avaient jamais parlé jusqu’alors.
Au niveau d’une entreprise, que faire lorsqu’un collaborateur ou une collaboratrice rapporte des faits de violence dans son foyer, ou qu’il y a des raisons valables de le supposer, et que des enfants sont dans ce foyer ?
D’abord, il y a le 119. C’est le numéro que tout citoyen doit connaître et qu’il faut composer lorsqu’il y a des violences sur mineur, familiales ou pas. Un RH par exemple, peut composer ce numéro pour prendre conseil. Il peut également contacter Enfance et Partage, via notre numéro vert, le 0 800 051 234. Il sera conseillé, éventuellement aiguillé vers d’autres associations si elles correspondent davantage à la situation. Il peut aussi appeler le conseil départemental, qui s’occupe de l’Aide Sociale à l’Enfance. Bien sûr, si l’on se trouve dans un cas d’urgence, alors c’est la police ou la gendarmerie qu’il faut contacter.
Quelle prévention aux violences familiales peut-on faire dans les entreprises ?
Malheureusement les entreprises sont rares à être sensibles à cela, en général elles ne veulent pas rentrer dans l’intimité des familles. Des associations comme la nôtre peuvent pourtant se rendre dans les entreprises pour parler de ces sujets. Nous pouvons présenter notre outil. Les gens n’ont pas conscience de ce fléau. Or, on a plus de 60 parties civiles à Enfance et Partage actuellement. C’est beaucoup. Un enfant meurt tous les quatre jours en France sous les coups de sa famille. Un enfant est violé toutes les heures. Ce sont des chiffres qui doivent parler à chacun.
L’association Enfance et Partage Depuis plus de 40 ans, Enfance et Partage agit pour que chaque enfant soit protégé par sa famille et par la société afin de préserver son devenir d’adulte. En 1989, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) voit le jour. Elle regroupe un ensemble de principes et d’obligations reconnus de façon universelle. Elle affirme qu’une société́ ne peut pas envisager de vivre en paix et dans la justice, si les droits de l’enfant ne sont pas respectés. Cette convention constitue le cadre soutenant toutes les actions d’Enfance et Partage. Protéger et défendre les enfants victimes de toutes formes de violences, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles… Tel est l’engagement d’Enfance et Partage. |