3QA – Nelly Bertrand, Chief Happiness Officer
Nelly Bertrand a fait évoluer sa carrière professionnelle de manière particulièrement visible et intéressante. Issue du monde de la communication internet/externe en entreprise, elle est devenue Chief Happiness Officer. Derrière ce sigle qui commence à devenir à la mode se cachent un certain nombre d'idées reçues tout autant que de magnifiques possibilités d'amélioration de la qualité de vie au travail. Nelly a accepté de répondre à nos questions pour nous aider à mieux comprendre tous les bénéfices induits par ce nouveau métier de CHO, pour les employés comme pour les entreprises.
Qu'est-ce donc qu'un Chief Happiness Officer, ce poste dont on entend de plus en plus parler ?
Nous n'en sommes qu'au début et il est donc normal que du flou reste associé pour l'instant à ce poste de Chief Happiness Officer, Responsable du Bonheur… C’est un titre très fort en France, qui peut en déranger certains. En particulier dans le contexte de la vie professionnelle. Me rendre heureux et rempli de bonheur au travail ? Mais comment cela ? Et en quoi l’entreprise est responsable du bonheur de ses salariés ? Le terme génère donc beaucoup de questions au premier abord.
Je me souviens d'ailleurs de la première fois où j'en ai entendu parler : je m'étais alors imaginée qu'il qualifiait une personne faisant le gentil GO dans l'entreprise en essayant de faire rire et de faire plaisir à tout le monde. Heureusement, je me suis trompée et cela va pour cette fois dans le bon sens.
Le CHO a pour mission de faire en sorte que les salariés se sentent plus heureux au travail. Pas seulement pour faire de l'entreprise un lieu où il fait bon vivre et où les employés arriveraient en laissant à l'entrée leurs problèmes personnels. Mais plutôt en partant du principe que des collaborateurs plus heureux sont plus impliqués et plus efficaces… et que donc tout le monde y gagne : employés comme employeur. La seule chose qu'il va nous rester à faire, c'est de définir une dénomination française explicite pour ce poste.
Cela fait cependant un certain nombre d'années que les entreprises mettent en place des aménagements, des outils et des services en interne pour améliorer le bien-être de leurs employés. Comment se distingue le CHO ?
Vous avez raison, une certaine notion de bien-être pour les collaborateurs est entrée dans l'esprit des dirigeants depuis quelques temps. Mais pas toujours en suivant les bons objectifs. Proposer des services de massage, du Yoga ou une table de ping-pong est un ensemble de bonnes choses qui va dans le sens du bien-être… mais qui est également insuffisant. Avant cela, on se contentait même de ne parler que de risques psycho-sociaux. C'est à dire qu'on abordait la notion de bonheur ou de bien-être que par la partie négative : comment soigner les conséquences d'un manque de bien-être, ou comment les prévenir.
C'est avec l'arrivée de la notion de Qualité de Vie au Travail (QVT) que les choses ont changé. Avec l’augmentation des burn-out et des bore-out, on s’est aperçu qu’il fallait se recentrer sur l’humain. Au sein des entreprises, on s’était déshumanisé sans s'en rendre vraiment compte.
C'est là où le Chief Happiness Officer trouve sa place : se rapprocher des collaborateurs, créer du lien, devenir force d'écoute tout autant que de proposition, et apporter un peu de bien être. Il doit être rattaché au dirigeant de l'entreprise, et pas à une ou des directions de services, afin de pouvoir afficher une certaine neutralité, nécessaire pour permettre aux salariés de libérer leur parole.
Un CHO peut recueillir ces paroles afin de comprendre et d'aider en direct les collaborateurs qui s'expriment. Il peut également faire passer ces messages de manière anonyme à la direction, si les solutions doivent venir de plus haut. Cependant, tout à l'écoute, aux conseils et aux propositions, le CHO ne se destine cependant pas à gèrer les conflits si ceux-ci doivent se manifester. Il offre une autre manière de les prévenir : en créant une nouvelle proximité et humanisation de l'entreprise.
Un Chief Happiness Officer a également pour mission de rendre compréhensible et transparent la stratégie de l’entreprise. Les collaborateurs comprennent ainsi à quoi ils servent et où ils vont, ce qui facilite l’engagement et la confiance de tout le monde.
Est-ce que ça marche ? Est-ce que ce poste amène de la valeur aux employés comme aux entreprises ?
Les CHO ont des impacts et ça se mesure. Lorsqu'on regarde les choses de près, on se rend compte que les entreprises qui ont une politique de développement du bien être des collaborateurs se découvrent moins de turnover, moins d’accidents du travail, plus de performance, un taux d'absentéisme comme de présentéisme (rester tard au bureau) qui diminue, etc. Donc oui, "ça marche".
Cependant, des éléments peuvent venir semer un peu le trouble et il faut y faire attention. En premier lieu, est-ce que le dirigeant qui crée ce poste y croit vraiment ou le fait-il simplement pour suivre la mode ? Il est important que le dirigeant voit clairement l'intérêt du Chief Happiness Officer, qu'il en établisse clairement la mission et que son implication soit ouverte.
Il faut ensuite faire un audit : le CHO doit comprendre où il est en terme de culture et de contexte, comprendre l’historique, la situation du moment sur le marché ou en interne, avant de pouvoir promouvoir les actions à mener pour avancer. Il pourra alors remettre l’humain au coeur de l’entreprise, créer du lien, être porteur de la culture de l’entreprise, et donner envie aux salariés de s’investir.
Les gens ont besoin de plus en plus de sens dans leur travail. Bien sûr, le salaire est important, mais la reconnaissance et la bienveillance sont des éléments qui comptent de plus en plus pour les employés. Et c'est là où le Chief Happiness Officer a son rôle à jouer : rendre accessible un bureau qui soit celui des soupirs mais aussi celui du bonheur et de l’engagement.