Alors qu’il était à la tête d’une petite entreprise familiale de 15 salariés, Sam ressent le besoin de donner du sens à sa vie. D’abord séduit par la religion, il accepte le bénévolat avant de saisir l’opportunité de ce poste. Un changement de vie qui ne doit rien au hasard.
Quel est le modèle de management à Lérab Ling ?
Dans la forme, c’est assez classique, nous avons un système pyramidal. Au sommet, il y a un chapitre, composé de laïques et de monastiques avec à sa tête un supérieur, qui se réunit trois au quatre fois par an pour donner la direction stratégique et spirituelle du centre. Il tranche sur des décisions budgétaires et des orientations de développement.
Ensuite, il y a 5 entités principales (Enseignement, DAF, Communication, Offices religieux et Direction générale) représentées par 5 managers. Nous nous retrouvons une fois par semaine pour mettre en pratique les priorités décidés par le chapitre et pour repérer les gaps et les manquements. Il y a un temps pour chacun. Au fond, l’organisation est collégiale, on travaille beaucoup en consensus. Le gros de mon travail c’est de faire des réunions du matin au soir !
En avril, par exemple, on va commencer à parler des événements de l’été. Les cinq entités vont soumettre leurs besoins en ressources humaines, et immanquablement, il n’y aura pas le budget pour satisfaire tout le monde. On va alors passer une journée à débattre, à s’expliquer jusqu’à tomber d’accord. Au final, on décidera ensemble d’une juste répartition.
Le Temple de Lérab Ling
En quoi la motivation est-elle importante pour diriger un temple bouddhiste ?
La motivation vient du sens que l’on donne à sa vie, et l’entreprise doit permettre à chacun d’avancer en soi. Si la vision que l’on a de l’entreprise est mauvaise, il y a une cassure qui empêche d’avancer. Une vision commune est essentielle pour créer un groupe dans lequel on se sent à sa place, entendu et en cohérence avec ses valeurs. On doit être fier de ce que l’on fait chaque jour.
Quelles méthodes employez-vous pour motiver votre équipe ?
Déjà, ce n’est pas le salaire car ici, tout le monde est payé sur la base du SMIC. Les salaires ne sont pas établis selon les postes, mais selon les besoins (familiaux par exemple).
S’il y a une demande plus élevée, le groupe de ressources humaines se réunit pour décider de l’accorder ou non. On a peu de problèmes de motivation car tout le monde ici travaille selon ses convictions.
Quelles difficultés avez-vous rencontré dans ce système de management ?
Eh bien justement, j’ai fait des erreurs de communication, en manquant de transmettre certaines informations, ça déstabilise tout. Nous parlons énormément, c’est la base de nos échanges, nous gardons, bien sûr, une trace écrite de nos décisions, mais c’est assez secondaire. Nous n’aimons pas trop les mails, ce n’est pas le meilleur mode de communication. C’est très utile, mais pas assez direct.
La difficulté, c’est aussi de marier le monde spirituel et le monde matériel, qui ne fonctionne pas sur les mêmes bases. Nous devons respecter les jours spirituels du calendrier tibétain, avec toute sa complexité. Et nous-même, dans le quotidien de notre travail, nous ne devons pas perdre l’axe spirituel.
Aussi, nous devons gérer dans chaque entité des bénévoles qui sont essentiels à notre fonctionnement. Néanmoins, c’est une gestion particulièrement difficile. Nous les sollicitons beaucoup, et ils ont parfois le sentiment que c’est trop. À nous de trouver le bon équilibre. C’est souvent dans la discussion que l’on trouve des solutions.
Les décisions par consensus sont difficiles car elles demandent patience, écoute et bienveillance. On a parfois l’impression de perdre son temps, mais le résultat donne beaucoup de satisfaction.
Avez-vous des « trucs » qui marchent à tous les coups ?
Être en communication continuelle, c’est la clé pour réussir. Ainsi, on apprend à développer une confiance mutuelle qui facilite le travail en équipe. On fait l’effort de chasser ses propres démons, et on le partage. On évite les non-dits et on ne juge pas l’autre, c’est la règle d’or !
Nous réfléchissons actuellement a un système de management collégial qui serait assez révolutionnaire, un système plus plat, plus participatif. Nous souhaitons accueillir les nouvelles idées avec plus de fluidité, c’est notre nouvel axe de réflexion.