Le salaire est-il vraiment une source de motivation ?
Tout travail mérite salaire. Si personne ne discutera ce vieil adage, le salaire est loin d’être notre seule source de motivation au travail. Pis encore, contrairement aux idées reçues, il n’y aurait pas de corrélation entre salaire élevé et motivation et performances élevées au travail.
C’est en tout cas ce que démontre une récente étude intitulée Show them the money? The role of pay, managerial need support, and justice in a self-determination theory model of intrinsic work motivation. Dirigée par Jacques Forest, professeur de psychologie organisationnelle à l’ESG de l’UQÀM, elle a été conduite sur 166 employés d’une institution financière norvégienne invités à évaluer leur travail selon différents critères (salaire, management, justice salariale individuelle, justice salariale globale, besoins psychologiques fondamentaux, motivations intrinsèques).
Petit ou gros salaire, les employés veulent l’équité
L’étude est éloquente : le montant du salaire d’un employé n’a aucun impact sur sa motivation ou sa satisfaction au travail. Ou du moins, pas le salaire seul. Un bon salaire peut « justifier » le choix d’un travail, mais il ne garantit pas le bien-être au quotidien.
Une autre étude de 2012 de Deloitte et Nomination était d’ailleurs arrivée à la même conclusion. Intitulée Mobicadres, cette étude annuelle démontre que si la rémunération reste l’une des premières attentes des salariés, elle n’est pas pour autant un levier de motivation.
Il en va de même pour la justice salariale individuelle. Parce qu’il peut être difficile de savoir « combien on devrait être payé » et parce que le montant du salaire n’a de sens que par rapport à son environnement, seule la justice salariale globale a un impact significatif sur la motivation.
Les salariés sont avant tout sensibles à des salaires qui font sens : par rapport à une grille salariale préétablie et dans une politique salariale de l’entreprise claire et juste pour tous. Ainsi, un salaire de 10 000 € par mois plairait bien à beaucoup de gens, mais si tous leurs collègues gagnaient le double, il pourrait être perçu comme un manque de reconnaissance ou une injustice et être source de mal-être au travail.
Rien ne remplace le lien social comme source de motivation
En tant qu’être social, l’Homme a besoin de se sentir bien au sein du groupe. Le milieu du travail ne fait pas exception à cette règle sociale. L’étude révèle l’importance du besoin de connexion pour s’approprier l’espace de travail et se sentir bien dans son quotidien.
Plus important, selon l’étude, que d’exprimer nos talents personnels ou d’être autonomes dans notre travail, la relation aux autres nous permet d’évoluer dans un écosystème familier. La convivialité, que l’on pourrait finalement définir par l’application d’un certain nombre de nos codes sociaux extérieurs (amis, famille) au travail, est même au cœur de la qualité de vie au travail.
Mais au-delà d’une bonne ambiance de bureau, le « besoin de connexion » implique également le besoin de reconnaissance.
« Par conséquent, les entreprises ont tout intérêt à accorder la plus haute importance non pas à ce qui est offert aux employés pour compenser leurs temps, efforts et talents – le salaire et autres primes -, mais à ce qui leur permet de s’épanouir au travail, jour après jour. C’est-à-dire : le feedback positif; la reconnaissance des efforts et des talents mis en œuvre ; l’apprentissage de nouvelles choses; l’écoute attentive de chacun […] », expliquent les quatre chercheurs dans leur étude.
L’argent ne fait pas le bonheur au travail
Même si la rémunération répond à un certain nombre de besoins (de sécurité, d’appartenance, de reconnaissance, d’accomplissement… tous expliqués ici), elle ne se suffit pas à elle-même. Voilà ce qui explique qu’on puisse citer le salaire comme dernière source de motivation.
Au contraire, plus le salarié se sent bien au travail, plus il donnera le meilleur de lui-même. De quoi donner envie aux employeurs de cultiver la QVT, quitte à essayer des pratiques un peu…originales.
Si l’on veut avancer vers une conception du travail plus égalitaire, il faut en finir avec l’idée que le seul but, et donc seule motivation, du travail est l’argent. En privilégiant le besoin de connexion, l’empathie et la collaboration, on se dirige forcément vers un style de management plus humain.