Pourquoi l’entreprise ne peut plus ignorer les enjeux de parentalité… ni ceux de la non-parentalité

Congés maternité, flexibilité horaire, CESU préfinancé : la parentalité a enfin fait son entrée dans les entreprises et les préoccupations RH. C’est une bonne nouvelle. Mais ce progrès met aussi en lumière des zones grises : stigmatisation des salarié·es sans enfants, charge accrue pour ceux qui « restent », inégalités de traitement. Et si on pensait enfin une politique RH d’équilibre de vie pour toutes et tous ?
La parentalité, un sujet de plus en plus politique
Longtemps cantonnée à la sphère privée, la parentalité est devenue un enjeu professionnel, organisationnel et sociétal. L’évolution du congé paternité, la progression du télétravail, la prise en compte (encore timide) de la charge mentale… tout cela signe une bascule : on ne cache plus ses enfants pour bien travailler. Et c’est tant mieux.
Mais à mesure que les entreprises s’engagent — aménagements d’horaires, aides à la garde, congés étendus — un nouvel équilibre se dessine. Ou plutôt, un nouveau déséquilibre, moins visible, mais bien réel.
Ce que veulent les salariés-parents : du concret, pas du symbolique
Les parents attendent surtout du pragmatisme RH :
– De la souplesse : horaires aménagés, jours télétravaillés choisis, droit à l’imprévu
– Du temps : congé 2e parent élargi, jours enfant malade sans stress
– De la reconnaissance : valorisation du double engagement (pro et perso), non-jugement
Ces attentes sont d’autant plus fortes que les modèles familiaux se diversifient : familles monoparentales, recomposées, aidants familiaux d’un parent âgé ou d’un enfant en situation de handicap…
Les entreprises qui prennent ces réalités en compte y gagnent sur tous les plans : engagement accru, fidélisation, marque employeur. Mais elles oublient parfois de regarder… l’autre versant.
Les angles morts RH : la non-parentalité reste le grand impensé
Pour les salarié·es sans enfant, le ressenti est parfois amer. Présence systématique sur les “ponts”, réunions tardives, disponibilité supposée à toute heure… autant de signaux faibles d’un traitement implicite inégal.
Certain·es témoignent aussi d’un manque de légitimité à poser des limites, ou à faire valoir une fatigue sans cause “objectivable” (comme un enfant malade).
« J’ai entendu un jour : ‘Toi t’as pas d’enfant, tu peux rester’. C’est resté gravé. » — Nadia, responsable commerciale, 34 ans
Et inversement, des parents peuvent eux aussi ressentir une injustice inversée :
– Accès plus facile aux promotions pour les non-parents, perçus comme plus “souples”
– Vacances d’été imposées, quand les collègues sans enfants posent en juin ou septembre
– Moins de visibilité sur les projets structurants
Ces frustrations croisées, rarement verbalisées, minent le climat social. Elles créent du ressentiment, de la distance, voire du retrait.
Vers une politique RH inclusive… vraiment
Pour sortir de cette logique binaire “avec ou sans enfants”, il est temps de penser une politique RH centrée sur les parcours de vie.
Quelques pistes :
– Élargir la notion de contrainte personnelle : aidants, situations médicales, engagement associatif, parentalité future ou refusée
– Adopter une approche par équité perçue, non par égalité stricte
– Valoriser l’effort invisible : celui qui ne se voit pas mais qui pèse sur l’énergie disponible au travail
– Former les managers à la lecture fine des situations individuelles, sans entrer dans la vie privée
Et surtout : instaurer un dialogue ouvert, sans tabou, où les non-dits peuvent devenir des leviers d’amélioration.
Il n’y a pas les parents d’un côté et les non-parents de l’autre. Il y a des situations de vie mouvantes, évolutives, parfois invisibles, toujours légitimes. Et une entreprise qui se veut inclusive ne peut plus faire l’économie de cette complexité.
Parler de parentalité en entreprise, c’est bien.
Penser l’équilibre de vie pour toutes et tous, c’est mieux.