Motiver quand on est éditeur
Cofondateur à 28 ans de la revue Classica, consacrée à la musique classique, ex-collaborateur du groupe L’Express-L’Expansion, Stéphane Chabenat, âgé de 45 ans, a créé les Éditions de l’Opportun en 2009. Il édite chaque année une quarantaine de livres portant, notamment, sur la langue française, l’histoire ou encore l’humour, et des magazines comme Les Timbrés de l’orthographe.
En quoi la motivation est-elle importante pour un éditeur ?
Elle est essentielle ! Un éditeur doit motiver l’ensemble des personnes qui contribuent à la vie du livre. L’auteur pour l’écrire, les commerciaux pour le distribuer, les libraires pour le vendre et les journalistes pour le promouvoir.
Comment faites-vous pour motiver vos auteurs ?
L’éditeur doit s’assurer que l’auteur tiendra les délais et livrera un contenu de qualité. Il y a bien sûr le paiement d’un à-valoir en deux temps, la moitié à la signature du contrat, l’autre à la remise du manuscrit. Mais la garantie financière, qui reste modeste, ne suffit pas à motiver. Mon travail, c’est de convaincre l’auteur qu’il a choisi le bon éditeur, le plus à même de réaliser son projet. Un auteur qui écrit son premier livre peut vite se sentir dépassé. Je l’aide à préciser son sujet, à définir une méthode, à établir un cadre dans lequel il va se sentir à l’aise.
La motivation, c’est avant tout une question de confiance.
Avez-vous des « trucs » qui marchent à tous les coups ?
Associer l’auteur à la vie du livre est fondamental. Tandis que l’auteur se charge du contenu, l’éditeur conçoit les autres éléments constitutifs du livre (le titre, la couverture, le texte de 4e de couverture…), prépare sa distribution et sa promotion. Le résultat final est une synthèse de ces deux étapes. L’auteur et l’éditeur se retrouvent alors sur un objectif commun : le succès du livre. Pendant la promotion, je continue de motiver l’auteur en lui donnant toutes les informations qui lui seront utiles, notamment pour aller défendre son livre dans les médias. Je n’hésite pas à lui passer un petit coup de fil avant chaque prestation, pour l’encourager.
Et des erreurs à ne surtout pas faire ?
On pourrait croire que pour faire naître la motivation, il suffit d’embellir la réalité. S’il est clair que l’éditeur va insister sur les points positifs, il ne peut en aucun cas raconter des craques ! La motivation, c’est avant tout une question de confiance. D’autant qu’il faut motiver dans la durée, et pas seulement à court terme. Par ailleurs, je ne crois pas que l’autorité soit un levier de motivation. Pourquoi travailler dans la douleur ? On publie des livres, on ne sauve pas des vies !
Quel conseil donneriez-vous à un manager soucieux de motiver ses salariés ?
De faire preuve d’empathie et de rondeur. Pour ma part, je préfère qu’un auteur prenne un peu plus de temps que prévu pour livrer un contenu de qualité, plutôt qu’il soit dans les temps et que le travail soit bâclé. Le partage d’objectif est tout aussi nécessaire. Lorsqu’un auteur est démotivé, je n’hésite pas à lui rappeler les raisons pour lesquelles il a accepté le projet au départ. Cette remise en perspective peut lui apporter l’énergie qui lui manque.
Enfin, la motivation n’est pas à sens unique. L’auteur doit aussi motiver l’éditeur ! Régulièrement, il m’arrive d’être très agréablement surpris par les idées que l’on me propose et auxquelles je n’aurais pas pensé. Cette attitude d’ouverture permet, je le crois, de faire naître la motivation où que l’on soit !
Propos recueillis par Sandrine Campese