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La mise en place du CSE dans les entreprises a-t-elle amoindri le dialogue social ?

Les missions du CE / CSE | 20 novembre 2020
La mise en place du CSE dans les entreprises a-t-elle amoindri le dialogue social ?

La disparition du comité d’entreprise (CE) et son remplacement par le comité social et économique (CSE) a été accueillie avec un certain nombre de craintes par les représentants du personnel. Des appréhensions liées à la baisse du nombre d’heures de délégation, à la disparition du CHSCT, entre autres, et en toile de fond la peur d’un appauvrissement du dialogue social. La prise de recul est aujourd’hui possible. Nous avons demandé à Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha, de nous apporter son éclairage sur le sujet. Interview exclusive pour Mieux Le Mag.

Lorsque la fusion du CE, du CHSCT et des délégués du personnel a été annoncée, les syndicats ont surtout manifesté des inquiétudes. Étaient-elles fondées ?

Pierre Ferracci – Dans bien des cas, je dirais que les choses ne se passent effectivement pas au mieux dans les entreprises. Cela, sur trois plans principaux. D’abord, beaucoup d’entreprises ont appliqué les anciennes façons de travailler au nouveau cadre, ce qui est une erreur.

Quand l’organisation change autant, et qu’il y a une fusion des instances, on doit totalement revisiter la façon de travailler que l’on avait parfois depuis des décennies.

Ensuite, les critiques étaient fondées car fusionner les instances tout en disant que l’on maintient les prérogatives de chacune, mais avec les moyens matériels qui baissent, c’était se mettre en situation d’échec.

Enfin, ce qui me préoccupe davantage, c’est que, pour l’instant, le CHSCT est le grand perdant dans l’opération de fusion. La commission chargée de traiter des questions de sécurité et de santé au travail au sein du nouveau CSE ne permet pas, actuellement, de reproduire les avancées que le CHSCT avait obtenues ces dernières années. Il avait gagné ses galons notamment sur le terrain de l’anticipation et parce qu’il était identifié comme personne morale. Dès lors, les élus y consacraient du temps, de l’énergie, de la réflexion et la direction prenait le CHSCT en compte.

À l’aube d’une crise qui se prépare, avec des restructurations et des suppressions de postes extrêmement importantes, j’ai peur de voir les questions de sécurité et de santé au travail reléguées au second plan, alors même que les enjeux sanitaires ont pris une importance inédite.

Des discussions entre patrons et élus ont pourtant eu lieu au moment de la fusion.

P.F – Bien sûr qu’elles ont eu lieu. Le souci, c’est que, dans les entreprises où le dialogue social n’était déjà pas bon, ces discussions n’ont rien apporté de concluant et le mauvais pli pris n’a fait que s’amplifier. En revanche, ce qui est porteur d’espoir, c’est que là où il y a eu dialogue, dans un rapport de force équilibré, on a vu émerger des solutions. Même s’il a fallu prendre en charge cette fusion avec des moyens réduits, c’est incontestable.

Y a-t-il des bons exemples dont on peut s’inspirer aujourd’hui ?

P.F – Certaines entreprises, qui ont été sensibles à la préservation de l’espace de jeu du CHSCT, ont défini pour la commission ad hoc des moyens qui dupliquent tout simplement ceux du CHSCT. C’est un exemple à suivre. Dans les bons accords liés à cette fusion, certaines ont également protégé les délégués du personnel pour leur permettre de continuer à traiter au mieux les problèmes particuliers, les problèmes de terrain. C’est une autre bonne pratique.

Les deux enjeux essentiels des bons accords sont à mon sens la protection de l’espace du CHSCT et la protection de l’espace des délégués du personnel. Certains accords ont également permis de retrouver un espace au niveau des heures de délégation, prenant en compte le fait que la fusion ne peut pas être synonyme systématiquement d’abaissement des droits et des moyens.

On voit parfois des innovations en matière d’articulation des agendas sociaux aussi, avec un effort très important pour que ceux-ci soient planifiés, avec des ordres du jour précis. Cela permet de ne pas reléguer au second plan des questions importantes. Enfin, il y a la possibilité de mettre en place des accords de méthode qui permettent aux organisations syndicales et à la direction de baliser le champ de la procédure. J’ai vu des exemples d’entreprises où il y a eu un vrai débat sur ce qui doit faire l’objet d’informations au CSE et ce qui doit faire l’objet d’information et de consultation. Un bon dialogue social, ça commence par là.

La crise actuelle a-t-elle permis de valoriser le rôle des représentants du personnel ?

P.F – Oui. Malgré ce que j’ai évoqué et malgré les inconvénients d’une fusion mal maîtrisée, on a effectivement pu voir à quel point les représentants du personnel étaient facilitateurs auprès des salariés lorsque ces derniers ont été confrontés à la mise en œuvre d’un télétravail massif (dans les entreprises qui le permettent), à des réorganisations forcément importantes pour les entreprises qui continuent à produire en plein confinement. Il y a eu un regain de dialogue malgré le carcan de la fusion.

Il faudrait en tirer les enseignements pour qu’on reparte du bon pied et qu’on redonne, fusion ou pas fusion, des moyens aux élus qui permettront demain de sortir de la crise mais aussi de préparer les enjeux du télétravail qui va percuter beaucoup l’organisation du travail. Les suites de l’épidémie vont peut-être aussi amener à des précautions sanitaires durables dont l’entreprise va devoir s’occuper. Autant de bonnes raisons de dépasser les inconvénients de la fusion et de profiter de cette percée du dialogue social en pleine crise pour repasser les ordonnances au tamis et se dire : « même si, entre les deux parties, nous ne sommes pas toujours d’accord sur les solutions à mettre en place, voilà ce qui peut bien se passer. »

Plus largement, que gagne l’entreprise à entretenir un bon dialogue social ?

P.F – Les entreprises qui trouvent l’équilibre entre les performances économiques et les performances sociales se portent mieux dans la durée que les entreprises qui font fi du dialogue social. C’est un fait. Bien sûr, il est possible d’obtenir des performances économiques avec un dialogue social pauvre. Mais, en faisant ce choix, le sens au travail des salariés est moindre. La reconnaissance du travail comme lieu d’épanouissement est moindre aussi. L’entreprise est perçue, encore aujourd’hui malgré la crise, comme un espace protecteur pour les salariés. C’est le devoir de tous, élus et patrons, de faire en sorte qu’elle le reste.

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