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Les gentils en entreprise vont-ils prendre le pouvoir ?

| 22 avril 2015
Les gentils en entreprise vont-ils prendre le pouvoir ?

Dans le monde du travail, les requins sont une espèce en voie de disparition. A en croire les experts en ressources humaines, les chefs aux dents qui rayent le parquet et aux méthodes musclées se seraient en effet raréfiés ces dernières années pour faire place à des managers au discours plus bienveillant. A la faveur d’une révolution de velours, les «gentils» seraient donc en train de prendre le pouvoir en entreprise.

Franck Martin, qui publie Le pouvoir des gentils à l’occasion de la journée internationale qui leur est consacrée, ce jeudi, est devenu un apôtre de ce «management de la vision partagée» en entreprise. Pour lui, «la performance est inévitablement liée à la relation de confiance entre les membres d’une équipe». «Un patron doit avoir une vision très claire de l’entreprise mais aussi savoir la transmettre en écoutant ses employés», assure-t-il.

Le diktat du «zéro faute» a vécu

Céline Gréciet, cofondatrice de Cap Performance RH, un cabinet de formation qui intervient auprès des cadres en entreprise, évoque pour sa part un «management situationnel» s’adaptant aux qualités de chacun, mais prône de la même manière une «pensée positive». «Nous conseillons aux managers de mettre en place une stratégie des points forts qui consiste à prendre ce qu’il y a de meilleur chez les employés, explique-t-elle. Il faut les inciter à prendre des risques et ne pas pointer leurs échecs.»
Cette reconnaissance du «droit à l’erreur» est un tournant dans les relations au sein d'une entreprise, estime d’ailleurs Jean-Christophe Sciberras, président de l’Association des directeurs de ressources humaines (ANDRH), qui la date du milieu des années 2000 dans les pratiques des DRH.

«Auparavant, le management traditionnel portait en lui l’idée du zéro faute, analyse-t-il. L’augmentation du nombre de suicides sur le lieu de travail a conduit à une prise de conscience de l'importance des risques psychosociaux, auxquels ce type de management d'un autre âge pouvait contribuer.» Etape charnière: un accord signé par les partenaires sociaux en 2013 a même consacré l’importance de la «bienveillance» dans le monde professionnel.

L’avenir appartient à la génération Y

Pour autant, il n’est pas rare, dans les open spaces, d’entendre l’éternelle réplique «on n’est pas au pays des Bisounours», déplore Franck Martin. Quant au management «à l’ancienne», il n’a pas encore tout à fait rendu l’âme. «Il y a encore des directeurs commerciaux qui envoient certains de leurs employés sur un marché où officie déjà l’un de ses collègues, juste pour le bousculer…», regrette-t-il. Et Céline Gréciet de pointer du doigt les «niches» où l’on pratique encore la politique de la carotte et du bâton, comme la grande distribution ou la restauration collective et rapide.

Dans certaines entreprises, poursuit-elle, la transition est en marche, avec les approximations inhérentes à ce genre de période.

«Quand des salariés vont mal, on leur propose parfois une heure de sophrologie. Pourquoi pas. Sauf que les conditions de travail n’ont pas changé.»

Pour elle, l’avenir est ailleurs. «La nouvelle génération est très soucieuse de l’équilibre vie privée-vie professionnelle, souligne-t-elle. Elle a besoin de prendre du plaisir dans le travail, et préfère la notion de responsabilité à celle d’obéissance.» A terme, elle devrait sans nul doute enterrer les vieilles recettes, prophétise-t-elle. Ou tout du moins les arranger à sa sauce. «La politique de la carotte et du bâton subsistera peut-être dans certaines entreprises, nuance-t-elle. Mais les employés ne l’accepteront désormais plus sans contrepartie financière.» Gentils, mais pas cons.

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