L’innovation frugale est-elle l’amie de la QVT ?
Frugalité : il y a fort à parier que ce mot ne vous évoque rien qui vaille. Dans une société où l’on vante l’abondance et la croissance, il est devenu synonyme de manque et de disette. Et pour cause, ce mot issu du latin frugalitas signifie sobriété, modération, sagesse. Mais il a un deuxième sens qu’on lui connait moins : « une bonne récolte de fruits ». Et en effet, derrière ce terme se cache une mine d’or pour notre avenir : apprendre à faire mieux avec moins. Au delà des clichés, nous allons vous emmener découvrir en quoi cette vision du monde peut avoir des impacts très positifs pour l’entreprise et la qualité de vie au travail.
Le concept d’innovation frugale nous vient des pays en voie de développement qui, pour tenter de rattraper l’économie occidentale, ont dû faire preuve de beaucoup d’habileté et de créativité pour exploiter leurs ressources dans des conditions difficiles. Ainsi est né, en Inde, la Jugaad Innovation. En français, l’innovation frugale.
Pourquoi vouloir se priver ?
Le fonctionnement de nos sociétés occidentales, et donc de nos entreprises, est basé sur un modèle qui date. Comme nous le rappelle Thibault Le Texier, les méthodes de management actuelles trouvent leurs racines dans le taylorisme. Or, si à la fin du XIXe siècle nous pensions que les nouvelles ressources (pétrole, charbon…) étaient inépuisables et inoffensives, les scientifiques n’ont de cesse de tirer la sonnette d’alarme ces dernières décennies pour nous rappeler qu’il n’en est rien.
Dans ce contexte, difficile de continuer à consommer toujours plus sans se poser de questions. C’est pourquoi de nouveaux modèles de consommation et d’économie alternatifs émergent ces dernières années : économie collaborative, décroissance, sobriété heureuse, etc.
Tous ces modèles ont un point en commun, ils proposent de remettre au centre l’humain grâce à des démarches solidaires et une consommation raisonnée. Le progrès, oui, mais pas à n’importe quel prix !
Créer avec moins sans créer moins
Dans « innovation frugale », il y a « innovation ». Car consommer moins de ressources, cela ne veut pas dire stagner ou régresser. Il s’agit d’optimiser, de faire preuve d’inventivité pour repenser les process et se défaire du superflu et de la complexité.
Inutile de se demander pourquoi des modèles comme Leboncoin, Blablacar ou Airbnb rencontrent un tel succès. Ils sont simples d’accès et d’utilisation et permettent aux usagers d’entrer en contact directement les uns avec les autres pour échanger des services ou des biens, et ce à un moindre coût en termes financier et écologique.
Éliminer les intermédiaires, favoriser le recyclage et l’horizontalité, c’est aussi ce que font certaines entreprises en sortant du modèle traditionnel pyramidal. Le fabricant d’enveloppes Pocheco en est un exemple des plus aboutis. On peut voir dans le film documentaire Demain, le PDG Emmanuel Druon décrire chaque mesure prise en faveur de l’écologie, l’économie et le dialogue social au sein de son entreprise. Chaque investissement et développement se veut durable pour l’environnement et pour les employés. Pocheco aurait réussi à économiser jusqu’à 15 millions d’euros en quinze ans de cette manière.
La frugalité dans le management
Des initiatives qui invitent à repenser l’entreprise de demain, il n’en manque pas : entreprises libérées, télétravail, auto-management, lean management, management agile… Les startups donnent le ton vers ce qui semble être « une révolution du travail » !
Ces nouvelles pratiques invitent à mettre de côté les égos et à réconcilier employeurs et employés. Parfois en supprimant des échelons de la hiérarchie, au détriment des managers et malgré les risques que cela comporte pour les employés (manque d’encadrement, responsabilités accrues et surcharge de travail). Parfois en repensant le métier de manager dans un rapport plus égalitaire et bienveillant envers l’employé.
Il s’agit de revenir à l’essence du management qui est de faciliter la vie des employés pour qu’ils puissent produire dans les meilleures conditions possibles, sans perdre de temps en contrôles inutiles et en démarches interminables. Le manager reste évidemment nécessaire à l’entreprise, mais dans un but collectif plutôt qu’individualiste. Il doit contribuer au bien-être des employés en améliorant leurs conditions de travail, en étant à l’écoute des particularités de chacun et aider à maintenir voire accroître la productivité sans que cela soit fait au détriment de leur santé et de leur vie personnelle.
Investir pour le bien-être de ses salariés, que ce soit sur des questions de matériel (locaux, équipement de bureau…), de santé (séances de sport, massages, atelier nutrition…) ou d’épanouissement (formation continue, séminaires, teambuilding…), c’est investir durablement dans son entreprise. Les employés heureux et en bonne santé sont plus productifs et plus engagés envers leur entreprise. Au contraire, un employé malheureux et/ou en mauvaise santé fera perdre du temps et de l’argent à l’entreprise par son absentéisme ou son présentéisme.
Autrement dit, mal gérer ses employés, c’est mal gérer ses ressources. Optimiser ses ressources, c’est prendre soin de ses employés. Faire mieux avec moins, ou l’innovation frugale appliquée au management, cela ne signifie pas réduire les effectifs et le confort de ceux-ci mais augmenter la productivité et le bien-être grâce à un management plus logique, plus réfléchi, plus moderne.
Et si la frugalité, c’était être plus humain, tout simplement ?