Entreprises : le changement, c’est pour quand ?
Management agile, horizontal, entreprise libérée, responsable du bonheur : on ne tarit pas d’éloges sur les méthodes innovantes qui font leurs preuves du côté des startups (Google, Blablacar, Airbnb, Uber, etc.). L’avenir du management est bel et bien à nos portes. Les salariés l’attendent, les experts l’annoncent, et pourtant le changement prend son temps dans les entreprises françaises… Pourquoi la majorité des entreprises sont-elles si réticentes au changement et continuent de s’attacher désespérément à des méthodes archaïques qui ne répondent plus aux attentes des employés et aux besoins du marché ?
Pourquoi ça bloque ?
Notre conditionnement culturel, avec un siècle de pratiques inspirées de Taylor est sans doute un des facteurs explicatifs comme l’explique Thibaut Le Texier dans cette interview donnée pour MIEUX en mars dernier. Des transformations profondes au sein de l’entreprise demandent d’adopter des logiques de long terme. Malheureusement, le système imposé par l’actionnariat va totalement à l’encontre de cette logique. Pour délivrer des résultats immédiats afin de satisfaire les actionnaires, certaines entreprises n’hésitent pas à investir dans des stratégies à court terme, quitte à se mettre en danger sur le long terme.
À l’image d’une agriculture intensive qui appauvrit les sols pour produire un maximum de nourriture en un minimum de temps et d’efforts, ces entreprises vont épuiser leurs ressources humaines au nom de la rentabilité et du profit immédiat. On assiste ainsi à un management par les chiffres, un renforcement des contrôles et une complexification des process qui alourdissent le quotidien des salariés.
Quel est le rôle de chacun dans ce changement ?
La responsabilité des dirigeants dans le changement est grande. Toutes les grandes décisions reposent sur leur validation, il est donc essentiel qu’ils soient impliqués et engagés dans leur propre entreprise. Les PDG « mercenaires » qui vont vers les secteurs les plus prometteurs le temps d’en tirer un maximum de profit puis quittent le navire en cas de coups durs sont une véritable plaie pour le développement d’une entreprise sur le long terme. Dans son article pour RH info, Gilles Verrier, conseiller RH, appelle les dirigeants à « convaincre [les actionnaires] de privilégier l’accroissement de la valeur de leur capital plus que les revenus immédiats, en revenant à une posture d’entrepreneur. »
Les managers pensent consacrer beaucoup de temps à résoudre des problèmes mais bien qu’ils parviennent parfois à débloquer des situations plus ou moins complexes, il leur est souvent difficile d’en tirer des leçons de manière durable au profit du collectif. Il s’agit de s’en remettre à un management collaboratif et de ne pas porter le poids du monde sur ses seules épaules. Il faut travailler ensemble à faire avancer la réflexion, privilégier un management ouvert et participatif, être moteur de l’engagement en faisant partie de l’équipe plutôt qu’en la regardant agir du haut de son piédestal.
Le rôle des salariés dans le changement ne saurait être sous-estimé. Pour faire bouger les choses, ils doivent s’engager dans leur entreprise et être force de propositions. Accepter que les choses bougent, que des erreurs soient faites parfois, de travailler en équipe… Proposer, mais aussi être à l’écoute en faisant confiance aux managers et aux dirigeants qui sauront se remettre en question et s’ouvrir au changement.
Résoudre les problèmes : un levier de changement
Le besoin de transformation de l’entreprise est aujourd’hui réel et profond. Pour autant, il n’existe pas de recette miracle qui permettrait de tout changer du jour au lendemain. Avant tout, il faut admettre la complexité du problème sans céder aux propositions simplistes alléchantes (l’entreprise libérée par exemple, ne peut être une fin en soi, elle est une des méthodes possibles).
La solution que proposent David Machenaud et Philippe Grandjacques dans un article de La Tribune, c’est de regarder du côté de l’intelligence collective : chaque problème est unique et pour le régler, il faut en résoudre un à la fois en faisant intervenir rapidement les bonnes personnes. C’est le principe du QRQC (Quick Response for Quality Control) venu du Japon dans les années 2000.
Trois pré-requis sont nécessaires :
- Comportementaux : accueillir positivement les problèmes sans chercher de « coupable ». Ne pas aller au plus simple, chercher à comprendre le problème dans toute sa complexité sans perdre de temps toutefois. Se faire aider des personnes concernées, confrontées au problème de près. La résolution de problème doit être une collaboration entre experts (ingénieurs, conseillers) et employés.
- Méthodologiques : pour ne pas s’éparpiller avec l’implication des uns et des autres, il est important de suivre un cadre méthodologique et de s’y tenir.
- Managériaux : créer des conditions favorables à l’échange entre tous les collaborateurs. Accepter les remises en question, les points de vue divergents, établir des moments dédiés aux échanges, recentrer le groupe en cas de dispersion, etc.
Pour résoudre le problème, la méthode est claire et éprouvée. Cependant, pour être appliquée efficacement, elle demande une véritable volonté de changement et d’évolution au sein de l’entreprise et une souplesse dans sa structure. « La liberté et la responsabilité requièrent un cadre de jeu souple », nous dit Gilles Verrier dans son article cité plus haut.
La réalité managériale est souvent trop éloignée des réalités du terrain. Le poids de la hiérarchie autoritaire « à l’ancienne », les échanges alourdis par des conventions dissuasives, des abus de subjectivité qui prennent le pas sur les faits… Tout cela ne permet pas de libérer la parole dans les entreprises et d’avancer vers une intelligence collective et un management collaboratif. On créé parfois ainsi plus de problèmes qu’on en résout… À nous tous de changer la donne en stimulant le collectif !